mercredi 31 décembre 2025

Noël au bistrot, soirée dangereuse

Anna Véronique El Baze – Ils s'en souviendront, ce cette soirée de Noël, les sept personnages réunis dans le huis clos mis en place par la romancière et scénariste Anna Véronique El Baze dans "Le dernier bistrot"! Dernier de leur vie? Voire! Pourtant, toutes et tous recevront un sacré cadeau cette nuit-là, à condition de se raconter jusqu'au bout.

Devoir raconter son histoire pour sortir du bistrot? L'idée n'est pas toute nouvelle, puisque c'est c'est celle qui traverse l'amusant et poétique "Le bar sous la mer" de Stefano Benni. Mais au Café de l'Avenir, l'ambiance est toute différente, et le lecteur le comprend illico en observant évoluer un patron absolument pas sympathique, bougon, presque un connard. Et puis, nous ne sommes pas sous la mer: l'établissement se situe à Paris. Une demi-douzaine de clients esseulés y arrivent peu à peu, et à 21h30, leur sort est scellé: le restaurateur boucle tout.

"Le dernier bistrot" décrit une vie de bistrot traversée de tensions. Le lecteur admire la capacité avec laquelle la romancière fait évoluer les rapports entre des personnages initialement inconnus les uns des autres, poussés dans leurs retranchements, obligés de chercher une manière de fonctionner face à une situation pour le moins inattendue. 

Il relève aussi la diversité de ces personnages et de leurs histoires, qui sont celles de gens presque ordinaires, avec leurs zones d'ombre: une caissière qui vient de perdre son emploi, un ancien combattant en chaise roulante, une businesswoman carriériste, une fille un peu trop jolie, un garagiste volage et un infirmier qui n'assume pas son homosexualité. 

Et toute l'habileté de ce roman de Noël (rappelons-le!) avec champagne, gâteau au citron et bougies, mais aussi avec flingue, consiste à avancer, sous la conduite d'un preneur d'otages plus psychologue et émouvant qu'attendu, du reste lui aussi pourvu d'un secret qui a plombé sa vie, vers des aveux libérateurs. Syndrome de Stockholm? Il y a de ça. Et si le petit Jésus n'est évoqué nulle part, il est certain que la prière d'un des personnages aura fait avantageusement office de messe de Minuit.

Voilà un roman à suspens habilement construit et qui bascule bien, conclu de manière émouvante. Jouant avec les codes de la vie au bistrot, il se lit à une vitesse folle grâce à ses chapitres courts et à son écriture qui, visuelle au point qu'on a envie de voir le film, n'hésite pas par ailleurs à se faire familière pour être plus catchy.

Anne Véronique El Baze, Le dernier bistrot, Paris, L'Archipel, 2024.

Le site des éditions L'Archipel.

Lu par ArgoulCathjack, Cathy Le GallDe quoi lire, Sophie Songe.

Lu pour le défi Un hiver polar


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