Collectif – L'ambiance est particulière dans la cuvée 2025 du "Prix de l'ailleurs", concours d'écriture annuel suisse consacré à la science-fiction et organisé par la Maison de l'Ailleurs à Yverdon-les-Bains. Invitant ses candidats à explorer l'univers du low-tech, le thème imposé les a forcés à trouver, et Ariel Kyrou, l'une des postfacières le relève fort bien, un juste milieu entre les deux extrêmes de la science-fiction futuriste: décrire un monde à la technologie triomphante, de type high-tech, ou un monde où, de manière généralement non souhaitée, la technologie a disparu – c'est le règne du no-tech.
Inspirés des principes de la décroissance, certains motifs sont attendus: il sera question de viabilité, de recyclage, de réparabilité et même d'utilité, en particulier dans "Cycles de vie" d'Antoine Boulanger, nouvelle qui a décroché le premier prix du concours, qui ose, sur le modèle des trois lois de la robotique d'Isaac Asimov, les "trois lois de la lowbotique". Comme en écho, l'arrivée en fin de vie d'un dispositif de régulation de l'atmosphère et du climat menace l'existence d'un peuplement humain dans un avenir lointain: c'est "Le dernier cycle" de Jean-François Morlaes. Le choix sera cornélien, entre l'envie de laisser vivre des humains en sursis moyennant une énième réparation, et leur proposer l'immortalité immatérielle sous la forme d'un signal envoyé dans l'espace telle une bouteille à la mer.
En effet, les technologies d'aujourd'hui n'ont pas forcément disparu dans les nouvelles de "Un monde low-tech", même si elles font généralement l'objet d'une observation critique de la part des auteurs. Il arrive même que, même illégale, elle s'avère des plus humaines, capable même, et c'est troublant, de sacrifice comme dans "E-zabel" de Yolene Bouchard, deuxième prix du concours.
Les questions politiques actuelles, marquées par leur caractère incertain, trouvent aussi leur place, peu ou prou, dans l'un ou l'autre des textes primés ou remarqués. L'immigration et l'intégration de la Suisse dans l'Union européenne constituent ainsi le fond de la nouvelle "Decelerando" de Tristan Piguet. Quant à l'idée d'une technologie excluante donc peu souhaitable, elle constitue le point de départ de "Le chant des grillons" de Bastien Champougny, qui met en scène un personnage trans américain exclu de son territoire natal par des lois du genre que celles que Donald Trump a promulguées au début du mandat qu'il accomplit actuellement. Enfin, "Métropole des castors" imagine, sous les yeux étonnés d'un pionnier à la recherche de lithium et qui en reviendra déstabilisé, une société qui a su retrouver le lien avec la nature – et développer une manière de technologie bien à elle.
Une fois de plus, le "Prix de l'ailleurs" a primé ou remarqué dix textes, autant pour leur habileté narrative que pour leur capacité à approfondir la vision que le lecteur a du monde. La préface de Laurence Malè et Olivier May, de même que les participations critiques de Mélanie Fievet et Ariel Kyrou, érudites, font office de guide au travers des textes proposés cette année aux lecteurs avides de science-fiction atypique, noavtrice et expérimentale.
Collectif, Un monde low-tech, Vevey, Hélice Hélas, 2025, préface de Laurence Malè et Olivier May, participations critiques de Mélanie Fievet et Ariel Kyrou. Contributions d'Anthony Boulanger, Yolene Bouchard, Tristan Piguet, Ginger Broglie, Bastien Champougny, Romain Prina, Valentine Lévy, Sébastien Lê, Robin Tecon, Jean-François Morlaes.
Le site des éditions Hélice Hélas, celui de la Maison de l'Ailleurs, organisatrice du concours.

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