Original? Qu'on en juge: les Dubien sont un couple irréprochable à la ville, mais Monsieur est volage. Dès lors, un deal est passé entre les conjoints: chacun vit de son côté, Madame donnera à Monsieur les héritiers attendus, mais leur père sera à chaque fois différent – et ne sera pas Monsieur Dubien. Tout se passe bien jusqu'au moment de la lecture du testament, qui stipule que le partage entre frères et sœurs se fera à parts égales, puis qu'au moment du décès d'un des frères et sœurs, sa fortune sera redistribuée entre les survivants. De la part du patriarche, voilà qui a tout d'un appel au meurtre... sans compter qu'il pourrait y avoir des frères ou sœurs cachés.
Porté par une narration qui joue certes parfois avec des flash-back pas évidents à suivre, "Elle n'aurait pas dû" actionne la mécanique implacable d'une tragédie – la tragédie d'une famille qui devient maudite, rongée qu'elle est par ce secret de famille qui pousse au meurtre et va bel et bien produire quelques cadavres, alors que l'une de ses représentantes, nommée Marie ou Marise comme s'il s'agissait pour l'auteur d'illustrer un trouble de la personnalité multiple, se profile pour devenir présidente d'une république française qui, dans un futur proche imaginé par l'auteur, penche sérieusement à droite.
Parce que oui: les troubles de la personnalité et les jeux de masques sont la matière de "Elle n'aurait pas dû", qui met à l'écart les scènes "gore" réalistes vues dans "Des roses pour m'apaiser", du même auteur, pour se concentrer, avec une terrible justesse, sur la psychologie des personnages et sur ce qu'elle peut avoir de torturé, entre injonctions sociales (un peu) et conditionnements familiaux (beaucoup).
Roman policier bien sûr, "Elle n'aurait pas dû" arbore dès lors aussi les atours d'un ouvrage psychologique soigné et inexorable. Les masques finiront par tomber pour laisser les survivants prendre un nouveau départ, et la république sera sauve à la fin du roman. Un roman qui, de façon originale et au bout d'un dernier retournement de situation (il y en a plusieurs dans "Elle n'aurait pas dû", et le lecteur s'en régale), se conclut par un rapprochement inattendu entre la personne coupable et la personne qui mène l'enquête.
Eric Sardaigne, Elle n'aurait pas dû, Saint-Etienne, Abatos, 2025.
Le site des éditions Abatos.

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