jeudi 16 janvier 2025

Didier van Cauwelaert, les vacances et l'expressivité des arts

Didier van Cauwelaert – "Attirances" se démarque avant tout par sa construction singulière en trois séquences qui ressemblent à des nouvelles lisibles séparément davantage qu'à un ensemble formant un roman. Pourtant, peu à peu, les liens se tissent: dès la deuxième partie, les allusions à la première se multiplient et l'on comprend que tout cela finira en synthèse dans l'ultime séquence. Voilà une construction un peu hors du commun, qui donne l'impression de lire trois histoires, autour de quelques poignées de destins nimbés de mystère.

"Vous êtes mon sujet" gravite ainsi autour d'un grand écrivain désabusé à qui les circonstances réussissent immanquablement. Une thésarde s'y intéresse, le lecteur découvre avec elle que l'écrivain, Alexis Kern, écrit toujours un roman après la mort d'une personne proche ou ayant vécu dans son orbite. Y aurait-il anguille sous roche? Il y a quelque chose de Stephen King dans la manière dont l'auteur travaille des ambiances soudain tendues et inquiètes. 

L'art et la mort sont également associés dans la deuxième séquence, "Attirance", où apparaît un peintre énigmatique persuadé d'avoir tué deux de ses modèles. Jef Hélias se révèle attachant par son côté complètement atypique: il n'a aucune existence administrative, répond de manière parfois étonnante aux questions qu'on lui pose. Jef Hélias est cependant aussi un artiste contemporain: est-ce qu'il manigance quelque chose en menant la vie d'artiste dans une cellule d'une prison condamnée dont il peint les murs?

Moins portée sur le monde des arts, la troisième partie, "La maîtresse de maison", renoue avec des ambiances tendues, tempérées par un certain goût de la caricature, lorsqu'il dépeint la destinée d'une famille dont le père a choisi un terrain militaire en voie de désaffectation en guise de destination pour les vacances. Deux ados, une épouse aigrie: le cocktail est prêt à exploser, mais l'auteur réserve plus d'une surprise de ce côté-là. Il y a la mer, aussi: les poissons s'y suicident... Et bien sûr, il y a la maison d'à côté, biscornue, énigmatique, hantée peut-être: c'est là qu'aboutiront les liens narratifs dont "Attirances" est fait.

Peuplé de personnages singuliers jusque dans leurs côtés ordinaires, "Attirances" est l'œuvre d'un conteur virtuose, capable de tenir constamment son lectorat en haleine autour d'histoires nées du (presque) quotidien, riches en surprises et sous-tendues par un certain sourire: autant d'éléments qu'on aime trouver dans un livre. Comme quoi, fatales ou fatidiques, les attirances ne sont jamais anodines.

Didier van Cauwelaert, Attirances, Paris, Albin Michel, 2005/Le Livre de Poche, 2007.

Le site de Didier van Cauwelaert, site des éditions Albin Michel, celui du Livre de Poche.

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