lundi 23 septembre 2024

Rébellion sans extinction: voyage au pays des clones

Ojo Dewaere – C'est dans le nom du traducteur qu'on guette généralement le calembour lorsqu'on lit un livre de la série "Damned". Mais non: là, c'est dans le nom de l'auteur qu'il se trouve. Ojo Dewaere propose avec "Six clones en rébellion" un drôle de roman court qui met en scène une sorte d'humanité parallèle, sauvage, se reproduisant par clonage, vivant face à des insectes géants, les "sécables" qu'il s'agit de contenir, voire d'éradiquer.

Et comme l'auteur s'est lâché dans ces quelques pages, c'est à la huitième ligne du roman qu'intervient la première pénétration. Le sexe apparaît en effet comme un élément majeur de la vie quotidienne des personnages mis en scène, avec des fonctions pas forcément reproductives: dans le premier cas, en particulier, c'est pour se tenir chaud. Il n'y aura pas de description complaisante, cependant: il faut aller vite, on n'a que 80 000 signes, les pages sont comptées. 

La complaisance vient plus tard, entre autres dans la description des personnages et de leurs modes de vie, lors de combats féminins (les femmes se battent dans la société imaginée par l'auteur) pratiqués seins nus. Plus généralement, on découvre une société aux allures matriarcales esquissées, et on sourit de cette idée que les flatulences sont des présages chamaniques. Il y a aussi ce truc récurrent des "grosses mites", qui ne manquent pas de faire penser à d'autres éléments anatomiques qui peuvent être gros... En écho, les mites appellent le mythe de la caverne, et l'auteur ose bel et bien ce jeu de mots.

Plus qu'une intrigue façon "Pulp", "Six clones en rébellion" apparaît plutôt comme une succession de scènes typiques d'une société humaine décalée, qui aurait conservé quelques souvenirs de celle dans laquelle nous évoluons tout en en ayant été détachée, peut-être par les manœuvres d'un savant fou dont le roman ne fait cependant pas état. Le sexe et la mort s'y frottent dans un antagonisme classique, cependant revu et corrigé par le fait que, clones qu'ils sont, les humains de ce roman semblent mourir et renaître à l'envi. Ce qui change un peu les choses, vous en conviendrez.

Quant au traducteur, Till le Lynx (il traduit du flamand, mais existe-t-il vraiment? Avez-vous la référence? Est-ce un faux, comme toujours avec "Damned"?), il s'amuse et c'est à lui qu'on doit le style effectif du livre. Si la ligne générale est sobre et efficace, accrocheuse même, le lecteur relève avec amusement son penchant pour le subjonctif imparfait, singulier dans le monde du roman à lire entre deux gares, et pour les helvétismes, disséminés çà et là (on note "bisôle", "morce", voire "bourillon", je vous laisse deviner de quoi il s'agit...). Tout cela pour se donner l'occasion, en tant qu'auteur, de parler de choses triviales sans complexes et sans sérieux excessif, avec un male gaze assumé.

Ojo Dewaere, Six clones en rébellion, Lausanne, Nouvelles Editions Humus, 2024.

Le site des Nouvelles Editions Humus.

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