Mélanie Brugger – "La vie n'est pas uniquement un combat. Il s'agit avant tout d'un apprentissage.": telle est la conclusion de "Détourner les hirondelles", deuxième ouvrage de Mélanie Brugger. Ce témoignage fait suite à "Et dans le brouillard...", et relate le moment où l'auteure découvre le monde de la montagne.
Il convient de préciser avant tout qu'à la suite d'une ruade d'un cheval, l'auteure s'est retrouvée lourdement handicapée. Lourdement, à plus d'un titre: il y a le physique, mais aussi le mental qu'il s'agit de reconstruire. Il est permis de trouver la Mélanie Brugger d'avant l'accident un brin misanthrope et hautaine, peut-être parce que, jeune fille, elle peine à trouver sa place dans un monde de conventions: elle paraît dire que plus elle connaît d'humains, plus elle aime son cheval. Puis vient l'accident...
... un accident qui l'oblige à faire confiance à des humains, justement. Cela, d'autant plus que les aléas l'amènent à se lancer dans l'alpinisme, un pari audacieux pour une personne en partie paralysée, ayant des problèmes de vue et d'équilibre. Elle va trouver des alliés, et s'en réjouir – on pense à celui qu'elle surnomme Taffon, et qui sera son moteur sur plus d'un sommet alpin, tantôt aisé, tantôt ambitieux: chaque côte maîtrisée, chaque descente apparaît comme une victoire.
Victoire? L'auteure excelle à restituer les impressions de ce qu'elle vit en montagne. Il y a la beauté de la vue bien sûr; mais elle n'occulte pas non plus les échecs, le corps qui trahit, ni les petites victoires qui paraissent énormes lorsque le corps se fait capricieux. Pas de fausse pudeur dans ce récit d'une résilience qui se trouve en montagne. Le cheval lui-même aura son pardon, puisque l'écrivaine monte à nouveau.
Il est permis de se dire que "Détourner les hirondelles" est le témoignage d'une résilience remarquable, certes, mais essentiellement personnel et susceptible d'intéresser avant tout un public de proches. Fallait-il le publier, le rendre accessible à d'autres lecteurs? Oui, et les éditions Romann ont fait un bon choix avec ce texte, même si la mise en page s'avère fatigante avec un texte composé en petits elzévirs tout fins sur un papier superblanc. Passons sur les questions de forme!
L'essentiel, en effet, et l'éditeur l'a bien vu, c'est que "Détourner les hirondelles", leçon de vie s'il en est, se démarque par une écriture soignée tous azimuts, qui a l'ambition de parler à toutes et à tous par mille moyens. Elle privilégie les images, lyriques, sans dédaigner le ton réaliste, idéal pour dire les obstacles qu'il faut surmonter à chaque instant. Et quelques passages composés en vers libres suggèrent que dans toute vie, il y a de la poésie. Celle d'une auteure qui s'observe sans complaisance et qui, malgré l'adversité, refuse de se satisfaire d'exister et a envie de vivre.
Mélanie Brugger, Détourner les hirondelles, Montreux, Romann, 2020.
Le site des éditions Romann.
Ils en parlent aussi: Jérôme Gottofrey dit Taffon, Laura Maxwell.
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