Jon Ferguson – Ceux qui suivent ce blog savent que Jon Ferguson est un écrivain suisse d'origine américaine, auteur entre autres du roman "Les joyaux de Farley". Ils ne savent peut-être pas que cet auteur a d'abord été un basketteur de talent qui a mené sa carrière sportive en Suisse, en qualité de joueur comme d'entraîneur. Son dernier ouvrage, "Des ballons et des hommes", relate ses souvenirs, de son arrivée dans une Suisse mystérieuse à laquelle il s'attache très vite jusqu'à la fin de son activité sous les paniers. Mais ses souvenirs, ce sont aussi ceux du monde du basket suisse, dont il dessine l'évolution au fil des ans.
"Si, en 1973, il y avait un endroit dans le monde où un joueur de basket médiocre pouvait gagner sa vie, c'était bien la Suisse.": ça, c'est de l'incipit! En effet, c'est dans un contexte marqué par un amateurisme bon enfant, approximatif et peu compétitif, où l'argent reste rare, que Jon Ferguson trouve place. Au fil des pages, cependant, l'auteur relève l'évolution rapide de ce sport en Suisse, entre autres avec l'arrivée de joueurs étrangers, dans les limites admises: deux par équipe.
Ces étrangers, Jon Ferguson les connaît bien, puisqu'il a été entraîneur pour plusieurs clubs de l'Arc lémanique. C'est là l'une des constantes de l'ouvrage: si Jon Ferguson retrace son parcours, il dessine aussi le portrait des joueurs qu'il a été amené à côtoyer, qu'il les ait fait venir en Suisse depuis les Etats-Unis ou qu'ils soient de solides amateurs helvètes. Ces portraits sont souvent dithyrambiques: on ne compte pas les joueurs fantastiques qu'il a vus passer, on connaît invariablement leur taille et leurs aptitudes. Reste que sans enfoncer qui que ce soit, l'auteur n'occulte pas forcément leurs zones d'ombre, quitte à interroger Wikipédia au besoin: tel aime un peu trop l'alcool ou les filles, tel autre a eu des problèmes de drogue à une époque où l'on ne plaisantait pas avec ça. Il y a de l'anecdote, ce qui rend tous ces jongleurs du ballon attachants.
Jon Ferguson ne manque cependant pas de relever que lorsqu'il est à la recherche d'un joueur pour donner des couleurs à telle ou telle équipe (Lausanne, Nyon, Pully, UGS...), il regarde d'abord l'humain, se demandant si le bonhomme s'intégrera à son équipe avec ses qualités naturelles. Une recette qui lui permet de réussir de beaux matches, gagnés ou non, dont il évoque le souvenir avec gourmandise: le souvenir d'actions admirables, tout de suite qualifiées de "légendaires", imprègne "Des ballons et des hommes". Et au fil des ans, l'auteur développe sa philosophie du coaching sportif, qu'il évoque en un chapitre de fin d'ouvrage.
Enfin, l'écrivain évoque, comme en périphérie, son parcours d'homme de lettres, philosophe, coach et écrivain. Mormon repenti, il a dû trouver ailleurs que dans ce courant religieux les réponses aux questions existentielles. Il prend dès lors la plume pour tenir une chronique dans un journal vaudois, et se fait romancier, voire philosophe à travers le personnage de Schmaltz: "Le sport existe pour trois raisons. La première raison, c'est de prendre une bière après le match. La deuxième, c'est de la boire avec des amis. La troisième raison reste à découvrir". Belle leçon d'humanité et d'amitié, par-delà la compétition.
Avec "Des ballons et des hommes", l'écriture et le basket se rejoignent pour un témoignage marquant, empreint d'une vision solide où l'humain passe toujours en premier, nourri d'une passion qui s'exprime par la multiplication des adjectifs laudatifs. Empreinte de nostalgie, la photographie vient encore nourrir le propos. Résultat: si les accords du basket retrouvent les ambiances survoltées des compétitions et peut-être même le souvenir de matches marquants, ceux qui n'y connaissent pas grand-chose ressentiront au fil des pages une tonalité positive et souriante qui fait du bien.
Jon Ferguson, Des ballons et des hommes, Vevey, Hélice Hélas, 2020. Avant-propos de Giancarlo Sergi.
Le site des éditions Hélice Hélas.
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