Mélanie Chappuis – La musique de la pièce de théâtre "Après la vague" est celle du tango. C'est en Argentine que la dramaturge Mélanie Chappuis campe son propos. Sur une scène qui recrée un vieux hangar qui a pu être autre chose en d'autres temps, un homme et une femme. Ils ont tout perdu, sauf l'amour, peut-être.
Le tango, c'est un pas en avant, deux en arrière, à moins que ce ne soit le contraire. Telle est la dynamique qui s'installe entre Juan et Anna, deux personnes qui se sont connues autrefois et que les circonstances semblent avoir rapprochées. Tantôt on se tutoie, tantôt on se vouvoie. Tantôt on est prêt à devenir amants, tantôt on souhaite préserver sa fidélité à l'époux, à l'épouse.
Un marivaudage à la manière argentine? Un jeu de masques, en tout cas, où Anna et Juan alternent mise à nu et rôle social, empruntant entre autres leur jeu aux références artistiques: on pense à Duras, à Truffaut, dûment cités. Les personnages sont même capables de se guider l'un l'autre en prenant du recul face à leur manière de s'approcher: "Ce n'est pas romantique", lâche ainsi Juan.
La dignité et l'amour traversent "Après la vague" comme des thèmes forts. On est digne, on garde l'attitude que l'on a eue quand on était à l'aise – et l'amour est ce qui reste lorsque l'argent est parti. Les deux personnages ont en effet connu une déchéance financière qui les a précipités au bas de l'échelle sociale.
Il est permis de penser que cette déchéance financière, au premier degré, n'est que l'un des soubresauts historiques de l'économie argentine. Mais il est permis aussi de considérer aussi qu'elle est le résultat de la tourmente économique suscitée tout au long de l'année 2020 par la crise du covid-19.
Certes jamais affirmée frontalement, cette lecture est cependant suggérée par le titre lui-même ("Après la vague"... d'infections?). Elle est corroborée par une réplique lâchée comme ça: "Je suis sans masque", lâche Juan, en réponse à Anna: "Vous me donnez la nausée".
Vu ainsi dans "Après la vague", pièce créée le 15 septembre 2020, le tango apparaît comme ce qu'il est: une danse subversive qui favorise les contacts alors qu'ils sont généralement interdits. Autrefois, peut-être, c'était de peur d'exciter les sens, dans un contexte religieux puritain. Aujourd'hui, c'est pour rappeler, en temps de distanciation sociale obligée, qu'il est bon et indispensable de se toucher, amicalement, amoureusement, passionnément.
Mélanie Chappuis, Après la vague, Lausanne, BSN Press, 2020.
Le site de BSN Press.
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