José Seydoux – "Mi-cha, tu peux me passer un peu d'huile solaire dans le dos?" Dès sa première phrase, et tout au long de son premier chapitre, le premier roman de l'écrivain fribourgeois José Seydoux installe une ambiance trouble, empreinte de gestes et d'ambiances associés à l'amour – des gestes en phase avec la description quasi lascive d'un décor de plage grecque idyllique. Sauf que dans "Séoul-Lausanne", c'est la relation atypique entre une mère et son fils adoptif que l'auteur dessine. Un fils adoptif venu de Corée, qui n'est qu'amour. Et la femme idéale, pour lui, c'est sa mère adoptive, Joëlle.
Un fils amoureux de sa mère: cela ressemble à un complexe d'Oedipe des plus classiques. Qu'en est-il lorsque le lien entre la mère et le fils n'a rien de biologique? Le lecteur s'interroge page après page: est-on dans la tentation permanente d'une relation incestueuse? L'écrivain, en tout cas, dessine l'évolution d'un sentiment ambigu au fil des années, en montrant Mi-Cha qui grandit: arrivé en Suisse à trois mois, il est l'enfant que le couple composé par Joëlle et Jocelyn (un homme au prénom ambigu, pour le coup!) n'a jamais pu avoir de manière naturelle.
D'emblée, une originalité frappe dans "Séoul-Lausanne": c'est l'omniprésence d'un narrateur qui ne se gêne pas de commenter l'action, voire de s'y immiscer discrètement. Derrière ce narrateur de roman, se profile l'auteur, professionnel du tourisme, qui n'hésite pas à s'éclater dans des descriptions de lieux précises et volontiers alléchantes, alternant la relative froideur des chiffres et le bonheur chaleureux des choses décrites, en particulier les lieux. Cela, sans oublier le tempérament des habitants de certaines contrées lointaines, telle la Corée du Sud.
De loin en loin, affleure d'ailleurs aussi une certaine conception du tourisme, qui tourne autour de l'accueil et de l'hébergement, donc du lit... lieu où, entre autres, l'on s'aime – ou pas. L'auteur explore justement les tonalités plus ou moins sincères ou vénales de l'amour: il prend certes soin d'installer Mi-Cha et Joëlle dans des chambres d'hôtel séparées lorsqu'ils voyagent ensemble, mais n'hésite pas à pousser des escort girls dans les bras d'autres personnages perdus dans leurs affaires professionnelles. Le lecteur trouvera enfin flamboyante cette description successive d'hôtels où Joëlle et Jocelyn ont tenté, sans succès, d'avoir un enfant. C'était avant l'adoption...
Tout n'est qu'amour chez Mi-Cha, ai-je dit. L'auteur rappelle, un brin théorique sur ce coup-ci, que les enfants adoptés font preuve d'un attachement particulier envers leurs parents adoptifs. Le parcours de Mi-Cha décline lui aussi les sentiments, les orientant toujours vers sa mère, ou presque. Ces sentiments pourraient paraître éthérés, si l'auteur ne leur donnait pas pour symbole les seins, un leitmotiv qui traverse tout le roman, de la tétée du nouveau-né jusqu'à un mémoire de fin d'études au sujet épatant. Cela dit, l'illustration de couverture, signée Yvan Gindroz, suggère, en montrant un Mi-Cha jeune adulte grave et détournant le regard, que les seins, et particulièrement ceux de sa mère, ne lui sont pas forcément accessibles...
Avec "Séoul-Lausanne", premier roman sous-titré "Itinéraire d'un enfant amoureux", l'écrivain José Seydoux cultive l'ambiguïté avec adresse. Après avoir signé plusieurs essais, il entre dans le monde du roman avec un livre sympathique, non dénué d'un sage humour, où se mêlent des personnages attachants, même le père de famille, un peu trop absent pour le coup, qui apporte lui aussi, à sa manière (insoupçonnée, pour le coup), quelque chose au jeune Mi-Cha. Adoption, sentiments interdits? L'ambiance est un brin trouble dans "Séoul-Lausanne", sans jamais déraper.
José Seydoux, Séoul-Lausanne, Saint-Denis, Edilivre, 2018.
Le site des éditions Edilivre, celui de José Seydoux.
Voilà un sujet original et intrigant ! Si je le vois passer...
RépondreSupprimerCertes, certes! Et c'est joliment mené, vraiment un roman sympa.
SupprimerJ'aime l'amour entre le fils et sa mère
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