vendredi 4 mai 2018

Noël à Pâques, est-ce bien raisonnable... même si ce n'est qu'un livre?

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Lucie Castel – Est-il permis de lire une romance de Noël alors que tout le monde est dans la joie de Pâques? Damned! Mais de façon unilatérale, je réponds par l'affirmative. Alors que le printemps nous offre ses premiers coups de chaud, que la sève monte, force est de constater qu'on aime que des écrivains nous parlent d'amour, même si c'est au frais. Dès lors, "Pas si simple", roman de Lucie Castel, a le mérite de réchauffer les cœurs tout en offrant un peu de la fraîcheur qu'on attend de la trêve des confiseurs.


Tout commence dans l'aéroport londonien de Heathrow, où le trafic aérien est perturbé par une tempête de neige inouïe. Pour l'auteure, c'est un élément de décor, secondaire même s'il est constant: très vite, elle concentre son attention sur les deux personnages qui sont le moteur de ce roman: Scarlett et William. Et tout commence aux toilettes, bien sûr: comme quoi l'extase du romantisme mérite d'être recherchée en des lieux improbables, parfaitement prosaïques.

Alors oui, le lecteur se demande qui sont Scarlett et William. Et qui les entoure, aussi. Scarlett, c'est celle qui parle, et on l'écoute: son discours paraît crédible, par-delà de zones d'ombre finalement très humaines. Le lecteur sera en revanche désorienté par le personnage de William, passé un enchantement initial: amoureux désigné, ce bonhomme a trop de qualités pour être honnête, ou même crédible. Il est beau, il parle beau, mais a-t-il un défaut? On le cherche vainement, et tout ce que l'on trouve, c'est que ce qu'il a de pire, c'est sa famille...

Ah, la famille! Justement, là se trouve la force de "Pas si simple". Surprenant, e thème s'impose progressivement. Scarlett et William aimeraient vivre une romance tranquille, mais il faut composer avec une famille qui a ses petits problèmes, qui est même dysfonctionnelle. L'auteure réussit d'ailleurs à dessiner, rapidement mais précisément, chacun des membres de la famille de l'Anglais William: la tante alcoolique, la parente qui a caché son attirance pour les femmes pendant des décennies, la mère tyrannique, le frère homosexuel qui ne s'assume pas tout à fait. Tout est là pour que naisse le clash. Et ça ne manque pas...

Le dispositif que l'écrivaine met en place se caractérise par un crescendo qui exploite les caractéristiques bien marquées des personnages. On l'a compris, la famille de William dysfonctionne, et c'est au fil des pages que tout se révèle. En écho, la famille de Scarlett vient mettre son grain de sel dans l'affaire aussi, au travers de la mère de Scarlett et de sa sœur Mélie – qui fonctionne en électron libre tout en endossant le rôle de al meilleure amie. L'auteure excelle à montrer les difficultés que toute personne trouvera à gérer les familles et les inconnues. Un amant juif, par exemple... mais qui s'intéresse à cela, après tout? Force est de relever que les fins de chapitre, conçues comme des cliffhangers, accrochent le lecteur et, d'un coup de théâtre à l'autre, portent le lecteur plus loin à la manière d'un feuilleton.

Et puis il y a Noël... "Pas si simple" malmène le mythe d'une fête de Noël qu'on passe aimablement en famille. Le lecteur se retrouve en effet en présence d'une poignée de personnes qui n'ont pas grand-chose à faire ensemble. Dès lors, l'ambiance est créée par un appartement moderne et une famille peu enviable. Le petit Jésus n'est guère présent dans "Pas si simple": après tout, Scarlett et les siens pensent davantage à prendre l'avion pour leur France natale qu'à s'émerveiller devant l'enfant Dieu. Les plats sont juste décrits, et en particulier, l'alcool coule avec modération, curieusement, dans "Pas si simple". Comme si l'écrivaine voulait garder la maîtrise d'une intrigue prête à sortir des rails, et indiquer que chaque verre peut avoir un sens particulier, par exemple par le biais de telle tante qui aime lever le coude.

Alors force est de le constater: j'ai rencontré davantage d'oncles et de tantes qui picolent dans les romans que dans ma vraie vie. Ce qui me fait dire que la tante alcoolique, c'est finalement un cliché... et que les épithètes savent se faire jour dans le domaine de la poésie aussi. Mais peu importe cependant: "Pas si simple" est un roman solide, qu'on peut lire en toutes saisons même s'il a paru aux auspices de Noël 2017, porté en particulier par des dialogues qui claquent et par des pensées plus ou moins drôles de l'auteure, écrites en italiques comme des commentaires. "Pas si simple" sait séduire ses lecteurs désireux de s'amuser avant tout, comme ceux qui recherchent d'abord une intrigue costaude: pour se faire plaisir, il convient de se souvenir que tout fait crescendo, chapitre après chapitre. Alors oui, William et Scarlett vont s'aimer, c'est couru d'avance. Mais comment cela va-t-il se faire? Ce cheminement, l'écrivaine le décrit parfaitement, avec l'habileté d'une romancière rouée.

Lucie Castel, Pas si simple, Paris, Harlequin, 2017.

Le site des éditions Harlequin.


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