lundi 7 mai 2018

"Le spectateur", qui analyse qui?

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Virginie Vanos – Qui psychanalyse qui? C'est la question essentielle qui s'installe au fil des pages du premier roman de fiction de l'écrivaine Virginie Vanos, auteure par ailleurs de nouvelles et d'un témoignage. "Le Spectateur" met en effet en scène un psychiatre aux prises avec une cliente particulière et énigmatique. Et s'il faut dire "énigmatique", ce n'est pas un hasard, tant "Le Spectateur", roman qui adopte le ton de la confession, est traversé par la notion de secret, familial mais aussi médical.


Certes, au début du roman, les choses sont plutôt dites que montrées, et on l'admet certes dans la mesure où le narrateur, Axel Ramaz, parle de sa propre expérience. Une manière personnelle d'exprimer ce monde, faite de phrases définitives rappelant l'enfant qu'a été Axel, puis de mondanités qui ne sont que postures. Psychiatre en devenir, le narrateur ne prend-il pas le lecteur comme psy à son tour? En lui parlant, il le prend à témoin, en tout cas, faisant de lui le véritable "spectateur" de ce roman.

Il est permis de regretter que "Le Spectateur" (attention: spoiler!) se termine sur le décès accidentel du narrateur, donnant après coup au lecteur l'impression abrupte que c'est un mort qui parle de lui-même, alors que rien ne le suggère avant. En forme d'épilogue, rédigé à la troisième personne, le tout dernier chapitre sonne soudain juste et vient souligner le caractère dérisoire, fragile de tout ce qui vient d'être raconté, sans enlever totalement l'impression surprenante donnée par la mort soudaine du narrateur.

Ce souci de point de vue ne doit pas faire oublier les qualités indéniables du "Spectateur". Donc, Axel Ramaz se retrouve chargé d'analyser une reporter nommée Alexandra Mars. La proximité des noms suggère que tout doit les rapprocher, et le moteur du roman est justement l'amour fou qu'Axel nourrit envers Alexandra. Un amour qui va bien sûr à l'encontre de sa position de médecin, supposé neutre. L'auteure fait monter la tension au fil des pages, poussant son personnage masculin jusque dans les ornières de la folie, en passant par la jalousie.

La proximité des noms d'Alexandra et d'Axel interpelle le lecteur: en somme, qui analyse l'autre? Question clé du "Spectateur", je l'ai dit. Celle-ci traverse la relation qui s'installe au fil de consultations qui ont parfois des airs de confrontation, de jeux de masques ou de poker menteur – des jeux qui, certes justement disposés, auraient mérité d'être plus approfondis parfois. Cette proximité apparente masque toutefois des divergences importantes de caractère entre les personnages, l'analyste étant introverti alors que la patiente, reporter de son état, est joueuse et ouverte sur le monde. Ces divergences, sources de tension, peuvent toutefois être lues comme des traits complémentaires, et le narrateur les voit aussi comme autant de possibilités de rapprochement.

Les tensions naissent aussi du double entourage d'Axel Ramaz, tiraillé entre la famille, qu'il n'a pas choisie et qui lui pèse, et les amis, que l'auteure excelle à décrire en soutiens aux outils divers mais pertinents. Gageons que la famille n'aurait pas agréé les amis; dès lors, le psychiatre se trouve ballotté entre deux entourages. Il sortira de l'ambiguïté en fin de roman, bien sûr. Mais en profitera-t-il? Guère.

Si certains de ses choix narratifs peuvent certes laisser le lecteur dubitatif, "Le Spectateur" reste, sur le fond, un roman intéressant qui joue avec beaucoup d'intelligence et d'adresse sur les relations entre les humains, des humains divers et bien dessinés face auxquels le lecteur aura des impressions tranchées: la famille, vue comme oppressante, certes, mais aussi les collègues de travail. Il en résulte un livre sensible où les relations entre personnages sonnent juste.

Virgine Vanos, Le Spectateur, Saint-Denis, EdiLivre, 2015.



Le site de Virginie Vanos, celui des éditions EdiLivre. Livre lu en partenariat avec simplement.pro.

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