lundi 5 juin 2017

Tous coupables avec Tomaso Solari?

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Le site de l'éditeur - merci pour l'ouvrage!

Ouverture sur le monde et sur l'humain: c'est l'impression que laisse la lecture de "De si rudes tendresses", recueil de nouvelles de l'auteur suisse Tomaso Solari. Un titre en forme d'oxymore qui montre tout le paradoxe des textes recueillis: nombreux sont les coupables, nombreuses aussi sont les excuses et les bonnes raisons d'agir. En ce sens, les quatorze textes qui composent "De si rudes tendresses" revendiquent toutes leur part de tragique.

L'ouverture sur le monde se manifeste dès la première nouvelle, "Qui a lâchement assassiné Hans-Ruedi?", relatant la mort violente d'un as du tir sportif en Suisse alémanique profonde. Suisse alémanique? Force est de constater qu'elle n'est pas toujours très présente dans la littérature romande; dans ce texte, l'auteur construit à merveille le réseau de jalousies et de clivages qui peut se construire autour d'un homme doué, mais qui a aussi ses zones d'ombre, par exemple ses escapades chez les filles de Lucerne: le fameux Hans-Ruedi. Et puis, Tessinois d'origine, l'écrivain aime se balader dans son canton ou en Italie à la recherche d'histoires.

Le lecteur goûtera à plus d'une reprise à des récits ayant trait à la vie des sens, thème par excellence où la culpabilité peut s'exprimer. Cet aspect est présent dans "Qui a lâchement assassiné Hans-Ruedi?", comme une annonce, mais il s'exprime de façon plus directe dans d'autres textes, tels que l'excellent "J'aime le hammam", recréation torride, assortie d'une chute adroite, d'une enfance en Turquie. Mais là, typiquement, l'on s'interroge: le narrateur, presque un adolescent, aurait-il pu faire perdre son emploi à son père par un comportement inapproprié? Et la femme qui s'en déclare victime ne l'a-t-elle pas un peu cherché? 

Délicatement nuancé, soucieux de recréer les voix des narrateurs le cas échéant, "De si rudes tendresses" est un recueil de nouvelles bien construit, dessinant un crescendo dans l'intensité, s'intéressant de plus en plus, au fil des textes, au sexe. Faut-il qu'une femme se sente coupable de vouloir irrésistiblement faire l'amour, sans lendemain, alors que sa fille est gravement malade? C'est la question que pose "L'Insoutenable". Et le recueil s'achève sur "Peler une orange en hiver avec ses doigts", une évocation fine du monde de la prostitution néerlandaise d'autrefois, où avoir une orange à peler s'avère un luxe alors qu'il fait froid. Tout est dans le titre...

Il n'empêche: s'il est question de se sentir coupable dans chacune des nouvelles de "De si rudes tendresses", on trouve aussi un soupçon d'humour dans ces textes. Et surtout, beaucoup d'empathie pour les personnages, si humains, mis en scène.

Tomaso Solari, De si rudes tendresses, Genève, Encre fraîche, 2017.


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