Catherine Balaÿ – Entre nouvelle et poésie, le cœur de l'écrivaine stéphanoise Catherine Balaÿ balance, tout comme sa plume. Mêlant les deux genres, son recueil d'écrits "Mademoiselle ne sert à rien" a connu une première publication en 2012; il a été réédité en 2025, à 20 exemplaires, aux éditions stéphanoises Abribus: avis aux collectionneurs! Un avis d'autant plus important que le lecteur, avant même de le collectionner, ressortira vivifié de ce court ouvrage.
Que les textes soient en vers ou en prose, en effet, la romancière trouve toujours moyen d'accommoder, en travaillant ses écrits, le rythme de son propos. Cela passe bien sûr, on le remarque dès "Soupape", poème liminaire qui donne le ton du livre, sculpté en jouant de l'apostrophe avec adresse. Dans le même esprit, quelques apocopes et tours de langage finissent de conférer à "Mademoiselle ne sert à rien" une manière d'oralité tout à fait personnelle, empreinte de fraîcheur.
Les nouvelles sont marquées par une appétence certaine pour les jeux de mots et pour l'imaginaire qu'ils font naître. Une sœur au look gothique impressionnant donne ainsi le ton dans "L'aut'mordue de la mort", portrait littéraire joueur qui aime creuser l'imaginaire du noir, du blanc, voire du rouge. Cela, en évitant le jeu facile de la séduction gothique: le personnage portraituré n'a guère un physique agréable. Ce qui permet à l'auteure d'aborder une autre question, classique mais judicieuse: celle de la femme d'aujourd'hui, naviguant entre les stéréotypes et les jeux de rôles et d'injonctions sociales – de beauté, entre autres.
Pièce de bravoure du recueil, "Madame" évoque une théière, ni plus ni moins. Dès l'incipit, et même si les voies semblent diverger par la suite, force est de penser à la nouvelle "Le mannequin" qui ouvre le recueil "Instantanés" d'Alain Robbe-Grillet. Mais alors que le héraut du Nouveau Roman s'astreint à un style à l'extrême sobriété, l'auteure de "Mademoiselle ne sert à rien" choisit de faire chanter les mots sans retenue, de leur donner une saveur, dans une musique qui n'oublie pas la sensualité toute maternelle d'une théière grosse des thés qu'elle va verser, jaunes au fond de leur tasse, à ceux qui vont en goûter.
Au fil des textes, le lecteur découvrira encore un début dans la vie d'une femme, symbolisé par un déménagement mené par des hommes et qui, mine de rien, questionne la distribution des rôles sociaux en fonction des sexes de chacune et chacun – et, plus généralement, parfois, la simple quête d'une utilité sociale: Mademoiselle, en qualité de narratrice jeune femme plus ou moins bien dans ses santiags, sert-elle à quelque chose à l'orée de sa vie adulte? A aimer, à travailler, à faire du thé, à considérer l'islam qui affleure çà et là? Quant aux poèmes, ils expriment par la voie du cœur les états d'âme d'une femme aimante. Ce qui est aussi une noble manière de chercher du sens, exprimée avec des mots qui touchent avec tendresse, justesse et franchise.
Catherine Balaÿ, Mademoiselle ne sert à rien, Saint-Etienne, Abribus, 2012/2025.
Le blog des éditions Abribus.

Encore une autrice stéphanoise que je n'ai jamais lue ce qui me fait un peu honte, ayant une certaine méconnaissance des auteurs de ma propre ville..
RépondreSupprimerQuant à ce recueil, il pourrait me plaire appréciant toujours les (bons) jeux de mots.
Bonjour Audrey! C'est à découvrir en effet! Il faut dire que j'ai fait un peu mon marché à la dernière Fête du Livre, également chez les auteurs et éditeurs stéphanois. On pourrait lancer un challgenge bloguesque... ;-) Bon dimanche et bonne semaine à toi!
SupprimerJe n'ai même pas eu le temps de faire un tour chez les éditeurs locaux. L'idée du challenge est sympa :)
SupprimerChallenge? Je vais y réfléchir, je te ferai volontiers part de mes idées. Bon dimanche à toi, Audrey!
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