Florian Sägesser – Et si, pour une fois, ce n'était pas un être animé, humain ou animal, qui était le personnage principal d'un roman? Inspiré peut-être par un vécu familial personnel, l'écrivain Florian Sägesser relève un défi rendu pressant par l'évolution du monde: "On ne se reconnaît bientôt plus ici...". Il en résulte un roman atypique, "Bel Horizon", dont le personnage principal, au point d'être éponyme, est une ferme située quelque part dans le Gros-de-Vaud.
Le lecteur comprend cette focalisation assez rapidement en suivant les descriptions minutieuses qui constituent le début, mais aussi les vastes repères récurrents du roman. Celles-ci se penchent sur l'édifice et sur ce qui l'entoure, les campagnes comme les forêts, menacés par l'installation de "fleurs": le lecteur comprend assez vite qu'il s'agit d'éoliennes. Enfin, l'auteur va jusqu'à personnifier la ferme de Bel Horizon en la désignant comme la "vieille dame". Une vieille dame qui, si inanimée qu'elle soit, a pourtant une âme, comme qui dirait.
Cette âme, l'auteur la révèle peu à peu en mettant en scène des personnages qui, à l'occasion d'un décès, doivent libérer les lieux. C'est l'occasion d'évoquer les fantômes qui le hantent: Mademoiselle Lili, le Druide et quelque autres, suffisants pour que l'auteur développe, par touches, ce qui a pu se passer au fil d'un long siècle qui a commencé en 1906. Un peu d'alcool, des fêtes, des joies et des peines au fil des saisons: les souvenirs émergent peu à peu, mettant en évidence une de ces vastes familles comme il y en a eu il n'y a pas si longtemps dans la campagne romande.
Et puis il y a l'écriture. Celle-ci est dense, marquée par une absence de dialogues qui impose une lecture lente et attentive. Les mots ont leur saveur dans "Bel Horizon", portés par les choix d'un écrivain qui ne recule en aucun cas devant les vocables du terroir qui sonnent juste. Avec les mots du cru vaudois, ce roman assume donc une ambition universelle, celle de décrire un lieu soumis aux aléas du temps qui passe, tout en s'efforçant d'en souligner la nature intemporelle. La relation des souvenirs y pourvoit, d'autant plus qu'elle est portée par une langue poétique lente mais envoûtante qui ne peut que séduire le lecteur qui voudra bien prendre le temps de la savourer.
Florian Sägesser, Bel Horizon, Chêne-Bourg, BSN Press, 2025.
Le site des éditions BSN Press.

un très bel article qui rend hommage à une très belle écriture, merci !
RépondreSupprimerMerci, cher inconnu - ou inconnue peut-être! :-)
Supprimer