samedi 25 octobre 2025

Deux amoureux déterminés par l'Histoire

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Yves Paudex – L'amour et les déterminismes familiaux peuvent-ils faire bon ménage? Les secrets de famille gagnent-ils à être débusqués? "Du sang sur les miens" apporte à tous ces questionnements des réponses nuancées et détaillées à partir de la destinée de David Dormond, dit DaDo, et d'Angelika Lindell, dite Angie. Et comme il s'agit d'un thriller, l'auteur conduit son lectorat à travers les zones d'ombre les plus terribles de ses personnages et, à travers ceux-ci, de la grande Histoire. 

En effet, rien n'aurait dû rapprocher David Dormond, photographe juif né d'un père ténor du barreau défunt avant l'âge et petit-fils d'un aïeul mort à Mauthausen, et Angelika Lindell, descendante d'un officier SS qui a peut-être tué de ses mains l'ancêtre de David. Des éléments qui finissent par se savoir, d'autant plus que David, subjugué par le mal, se montre curieux, jusqu'à l'excès, face à une Angie qui n'est elle-même pas en paix avec son histoire familiale. Et qu'il s'intéresse aussi à l'histoire de sa propre famille, qui a à nouveau eu maille à partir avec l'avocat Dormond après la Seconde guerre mondiale.

L'auteur a ses ressources pour relater l'horreur nazie, assumée et pratiquée par l'un des personnages: il cite les Mémoires qu'il a écrits, glaçants dans leur souci du détail réaliste relaté avec la simplicité de celui qui se sent dans son droit. Solidement documenté (on pense aux épisodes en Lituanie, à rapprocher du "Journal de Ponary" de Kazimierz Sakowicz), cette partie du texte s'intéresse aussi au recyclage des anciens nazis, évoquant entre les lignes une dénazification pas toujours impeccable, même en Allemagne. Quant à l'ascendance masculine d'Angelika Lindell, un gros angiome mal placé semble servir, symboliquement, de marque d'infamie.

"Du sang sur les miens" est structuré autour du cycle d'une histoire d'amour, ce qui rend les deux personnages principaux attachants, avec leurs qualités et leurs défauts. Celle-ci permet par ailleurs à l'écrivain de développer un récit à la tension grandissante qui se développe, jusqu'à sa difficile issue, en creusant la noirceur de l'humanité. 

Une noirceur insoupçonnable a priori dans le décor que l'écrivain a choisi pour son intrigue: il n'y a rien de plus pénible que les vignes et les villages de Lavaux, où certains personnages se révèlent aussi fins épicuriens, amateurs de bons restaurants comme de bons alcools – alors que d'autres utilisent des breuvages moins délicats pour, simplement, vivre avec l'horreur et ressasser la haine. Porté par une écriture efficace qui s'autorise un trait d'humour à l'occasion, "Du sang sur les miens" constitue un fascinant voyage à travers les méandres et les méfaits de certains déterminismes sociaux.

Yves Paudex, Du sang sur les miens, Bulle, Editions Montsalvens, 2025.

Le site des éditions Montsalvens.

Egalement lu par Francis RichardManuel.

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