mercredi 11 juin 2025

Charles Exbrayat: et tout ça pour une lettre...

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Charles Exbrayat – Ah, revenir à ce plaisir des romans d'espionnage d'antan, à forte dose d'humour et d'humain! Tel est le plaisir qu'offre le délicieux opus "Bye, bye, chérie!" de Charles Exbrayat. Avec le personnage de Guillaume de Saint-Sève, l'auteur met en scène un employé d'ambassade français encore novice, émargeant à Londres, chargé d'aller chercher à Nice une missive d'importance capitale. Celle-ci semble même intéresser pas mal de services secrets étrangers...

On le comprend vite, et si ce n'est pas le cas, la fin du roman l'explicite: la missive est un McGuffin du meilleur aloi, capable de faire courir de manière efficace une dizaine de personnages et le lecteur après eux. Penchons-nous un peu sur cette poignée de lascars aux trousses du Français Guillaume Saint-Sève: ce sont des agents des services de renseignement britannique, américain, soviétique et chinois. 

Sachant que "Bye, bye, chérie!" a été écrit en pleine guerre froide, au début des années 1970, il est facile de concevoir qu'entre ces personnages, les sourires sont constamment à cran d'arrêt, même et surtout pendant les moments de trêve. L'auteur, du reste, ne manque pas de souligner ces inimitiés en recourant, pour les dialogues mais pas seulement, à un lexique xénophobe décomplexé.

Et il y aura des morts... que l'écrivain sait agencer de manière parfois très originale: on salue en particulier la description de l'assassinat presque délicat de tel espion à l'occasion d'une cérémonie du thé, chanson de Maman en prime. Guillaume lui-même devient un assassin, malgré lui: plusieurs personnages tombent de sa fenêtre d'hôtel sans qu'il n'y puisse rien, mais tout l'accuse, à commencer par des policiers niçois pittoresques dont le tempérament obtus ne peut qu'amuser et attendrir le lectorat.

L'auteur, enfin, joue la carte du cœur pour plus d'un de ses personnages, ajoutant au jeu professionnel des espions entre eux la dimension sentimentale, qui va guider certaines décisions pour le meilleur et pour le pire. Le paysage amoureux le mieux dessiné est, on s'en doute, celui de Guillaume de Saint-Sève lui-même: au début du roman, on le voit amouraché d'une jeune et très riche Anglaise qui l'admire de plus en plus à chaque homicide qu'on lui impute. Mais voilà: lâchez dans une telle relation une belle Sicilienne héritière d'un clan pour qui l'honneur n'est pas un vain mot (ça peut tuer!) et tout sera remis en question...

"Bye, bye, chérie!" est un roman d'espionnage bien ancré dans son époque. Il est reposant et jouissif de lire un ouvrage que les artifices informatiques et numériques n'encombrent pas: cela permet d'offrir toute leur place aux personnages et à leur humanité, féroce ou amoureuse, ambitieuse ou vite démasquée. Il est aussi permis, bien sûr, de leur trouver un côté dérisoire, celui qu'on prêterait à de sacrés pieds nickelés: cela aussi est constitutif de l'humour constant, truculent, de ce petit livre, délicieux intermède entre deux lectures plus graves.

Charles Exbrayat, Bye, bye, chérie!, Paris, Librairie des Champs-Elysées, 1974/Club des Masques, 1989.


2 commentaires:

  1. Un auteur dont je n'apprécie pas le style te la langue si particulière.

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    1. Bonjour Alex! Pour moi, cette lecture était une redécouverte: j'ai lu quelques titres de l'auteur dans ma (folle) jeunesse. Et ça m'a fait plaisir d'y revenir, ce qui n'est pas toujours forcément gagné...

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