Eric Sardaigne – La face sombre d'un humain apparemment bien sous tous rapports peut-elle vraiment être si terrible que ce qu'en raconte Eric Sardaigne dans son deuxième roman, "Des Roses pour m'apaiser"? Il faut le croire: ce roman brouille quelque peu les codes du polar, quitte à paraître glaçant.
De façon générale, en effet, on admet que les policiers sont les gardiens de l'ordre. Mais que peut-il se passer si eux-mêmes deviennent des criminels capables de tuer de sang-froid? Et, accessoirement, de mettre leur morale au placard tout en affichant, face à la société, une apparence bien sous tous rapports? Fidélité de couple incluse?
Tout cela, l'écrivain stéphanois Eric Sardaigne l'incarne au travers d'une poignée de personnages: le commissaire Damblard, son collègue Delcreux, sa femme Marie-Jo, le barman Théo et quelques autres. Un peu de perversion de la part des uns et des autres et le feu prend, immanquablement: "Des Roses pour m'apaiser" aligne la narration de crimes parfaits, perpétrés par des personnages en position d'orienter les enquêtes.
S'il fonctionne de façon impeccable et donne immanquablement le frisson qu'on attend d'un thriller, "Des Roses pour m'apaiser" aurait mérité d'être un peu plus percutantes par endroits afin de gagner encore en tension, en particulier dans certains scènes vectrices d'introspection. Cela, même si celles-ci sont certes utiles pour comprendre les personnages et leurs motivations les plus intimes.
Le lecteur reconnaît cependant à coup sûr le réalisme saisissant des descriptions de scènes de torture et de cadavres, évocatrices de ce que l'humain peut faire d'abominable à ses semblables. On sent l'ancien professionnel du secteur de la santé qu'est Eric Sardaigne, pour le coup! On garde en mémoire tel ou tel cadavre habilement disséqué ou mort dans des souffrances voulues par l'assassin, ou alors au sort que la sensuelle Marie-Jo réserve à son amant, le commissaire Damblard: on est très, très loin des jeux sadomasochistes consentis entre connaisseurs, si épicés qu'ils puissent être.
Tout le monde dans ce roman a une bonne raison de tuer. Tout le monde, aussi, aurait pu confier ses griefs à la police. Et tout le monde, y compris les représentants de celle-ci, préfère faire justice lui-même. Qui restera debout à la fin? L'auteur voit dans ce roman une issue heureuse. Elle semble l'être, certes; mais pour le lecteur, n'est-elle pas aussi suprêmement amorale? Le débat est ouvert! Quant au parfum des roses évoquées dans le titre, puis en fin de roman, il n'est pas dépourvu d'une note de fond étrange et inquiétante. Il suffit de voir sur quoi elles poussent...
Eric Sardaigne, Des Roses pour m'apaiser, Saint-Etienne, Editions Abatos, 2023.
Le site des éditions Abatos.