mercredi 14 mai 2025

Kitten Napier: mais qu'ont-ils tous à vouloir le Groenland?

Donnie Hawkins – Qu'est-ce qu'ils ont tous, tout soudain, à vouloir aller au Groenland? Déjà Donald Trump, maintenant Kitten Napier, vierge depuis peu, et Fergus Jonson, mormon notoirement homosexuel. Laissons à Donald Trump sa quête des métaux rares: celle-ci est peut-être aussi incertaine que celle, mythique, relatée dans "Kitten se gèle les miches", dernier opus de Donnie Hawkins, traduit de l'anglais par Paul Emploi: retrouver les plaques d'or sur lesquelles ont été gravés les enseignements des prophètes américains. Autrement dit: le manuscrit originel du "Livre de Mormon".

L'entièreté de l'intrigue se déroule donc au Groenland, où deux jeunes missionnaires mormons peu suivis, Peter LaRue et Salomon Willie, attendent Kitten et Fergus. Leur quête des plaques d'or se fera avec des chiens de traîneau et amènera les personnages chez un géographe misanthrope, puis dans un lieu qu'on imagine semblable à Stonehenge, hanté d'hommes-poissons. C'est là que tout va se jouer...

Superhéroïne hypersexuée et personnage principal récurrent de la série, Kitten souffle littéralement le chaud et le froid dans "Kitten se gèle les miches". L'auteur se plaît à caricaturer l'effet qu'elle fait aux deux mormons qui l'attendent sur l'île, tendus émus même par une image d'elle a priori anodine. L'humour de ce livre, potache, naît dès lors de l'imaginaire lié aux sous-vêtements du temple, propres aux mormons: ils s'avèrent peu pratiques pour se "palucher" à de nombreuses reprises, comme finissent par dire les deux compères, Peter LaRue et Salomon Willie.

L'aspect "chaudasse" de Kitten, vierge de fraîche date (voir "Montrueuse Kitten"), sert aussi l'intrigue de manière littérale: on la voit évoluer sous une épaisse couche de neige en la faisant fondre à mesure qu'elle avance. Belle trouvaille de l'écrivain, qui va, pour créer une métaphore simple à appréhender, jusqu'à comparer cette manière d'avancer à celle de Pac-Man. Et pour faire bon poids, bien sûr, Kitten avance nue dans la neige. On n'est pas à ça près: une fois de plus, l'auteur exploite avec humour les potentialités offertes par une nudité porteuse de fantasmes et d'imaginaire.

Les adversaires sont des hommes-poissons qui ont leurs raisons d'agir, et de tuer – ou pas: ils sont à la recherche de quelqu'un de pur, homme ou femme, mais vierge. L'auteur fait appel à H. P. Lovecraft pour leur créer un imaginaire inspiré de l'univers de Cthulhu. Dans un souci de clarté, cependant, l'auteur leur donne un parler qui peut être compris, par intermittence, par le lectorat. Et il faut une forme de courage pour les affronter: les chiens de traîneau ne l'ont pas, et préfèrent fuir, sous couvert de quelques prétextes spécistes (et spécieux) de désobéissance civile. On relève au passage que l'auteur, avec ces chiens de traîneau, évite le poncif des animaux admirables et sans reproche: en fait, ils ne sont pas meilleurs que les humains.

De la grande littérature à la chanson française, "Kitten se gèle les miches" cache un substrat culturel bien fourni sous ses allures de roman de gare écrit avec un gros grain de folie. Le lecteur retrouve dans ce nouvel opus l'ambiance totalement décomplexée qui constitue la marque de fabrique de la collection "Damned", qui en est à 27 livres avec "Kitten se gèle les miches". Celui-ci m'aura fait la journée; petite vitesse... pour une lecture qu'on recommandera à Donald Trump, ne serait-ce que pour lui indiquer ce qu'il pourrait trouver au Groenland si, avide de territoires au riche sous-sol, il y met le pied un jour.

Donnie Hawkins, Kitten se gèle les miches, Lausanne, Nouvelles Editions Humus, 2025. Traduit de l'américain par Paul Emploi.

Le site des Nouvelles Editions Humus.

La vraie couverture viendra prochainement... ou pas.

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