samedi 12 décembre 2020

Cinquante ans, la vie devant soi!

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Véronique Poulain – Il y a un côté feel-good dans "Célibataire longue durée" de Véronique Poulain. Dans ce roman, l'auteure exploite les codes de la romance, genre à la mode, pour mieux les renverser. Ne serait-ce qu'en mettant en scène un personnage féminin nettement plus âgé que la moyenne: Vanessa Poulemploi aborde la cinquantaine avec ses deux ados et une poignée d'amies et d'amis. Son but? Selon la quatrième de couverture: "trouver du travail, un sens à sa vie et... se marier." Ce résumé va jusqu'à enfoncer le clou: "Autant vous dire que ce n'est pas gagné", conclut-il.

Faussement léger, empreint d'un certain féminisme synonyme d'affranchissement des contraintes d'une société qui se dit libérale, "Célibataire longue durée" est construit en chapitres brefs et rapides. Ils sont cependant bien porteurs de sens, à commencer par le premier. Celui-ci décrit une femme en décalage avec elle-même, soucieuse surtout de complaire à ce que la société attend aujourd'hui d'une femme: le souci désespéré d'une certaine beauté physique, la parfaite conscience d'être célibataire donc en porte à faux avec les attentes familiales, la catégorie d'hommes intéressée à Vanessa, qui joue vaille que vaille le jeu d'une société marchande. Vivre à deux en ayant deux enfants et en prétendant avoir mené sa barque seule, être deux en jonglant avec les rôles antinomiques de la femme intime et de la femme à l'aise en société, jusqu'où est-ce que ça marche?

Comme souvent dans la romance, l'écrivaine met en scène un personnage féminin conçu comme une nouvelle page blanche, ou du moins noircie au minimum. Le lecteur saisit ainsi Vanessa Poulemploi à un moment où elle est sans relation régulière avec un homme, en rupture d'emploi qui plus est. Deux enfants? Ce sont des post-adolescents au fonctionnement assez prévisible, nés au fil des ans de pères disparus: en particulier, l'un ne cherche qu'à manger – ça crée un gimmick amusant, astucieusement exploité tant pour le rythme que pour l'action du roman. 

Mais pour la vie de Vanessa, il reste un certain nombre de choses à réécrire, à réinventer même. L'auteure a la bonne idée de faire de Vanessa Poulemploi la patiente d'une psychanalyste. Elle crée ainsi des respirations introspectives dans le roman, laissant Vanessa parler d'elle. C'est aussi l'occasion d'approfondir son personnage, de lui faire dire dans le cadre intime d'un cabinet quasi médical ce qu'elle n'oserait pas dire en public, même si Vanessa est présentée comme un personnage qui aime se livrer: il n'y a qu'à sa psy qu'on peut dire "J'aime trop la bite!" (p. 65).

Mais Vanessa Poulemploi est aussi sujette à son corps, qui change soudain à l'aube de la cinquantaine. L'auteure s'abstient d'alourdir le propos en mettant en scène un gynécologue parfaitement étranger à toute arrière-pensée, quitte à en faire une sorte de plombier pour femmes. Cela peut paraître froid; mais c'est aussi une manière de montrer que l'essentiel n'est pas là, ni pour Vanessa, ni pour le lectorat. Il sera question d'hystérectomie bien sûr; mais l'auteure ne dramatise pas.

De la même manière, on peut relever que Vanessa passe assez aisément d'un emploi à l'autre et qu'elle a de la ressource et du réseau. On la découvre écrivaine: c'est un succès d'estime, intime davantage que public, et l'on comprend entre les lignes que son livre, "Tritox", offre à Vanessa un peu de chaud au cœur qui vaut davantage que la gloire publique, peu présente d'ailleurs: même la possibilité d'un prix littéraire à Monaco ne sera pas réalisée. 

Enfin, comme une sorte d'apothéose et parce qu'une romance digne de ce nom doit se terminer par un mariage, l'issue de "Célibataire longue durée" revisite de façon très personnelle, certainement assez loin de l'esprit de la loi Taubira, la notion de mariage pour tous. L'auteure y fait jouer la notion d'"amis de l'héroïne" pour créer un final où tout le monde joue sa partition en chœur. De ce point de vue, il est permis de voir la fête surprise des 50 ans de Vanessa comme une répétition générale. Surtout, cette faite montre que si seul ou si seule qu'on soit, il y a toujours une bande de gens autour de soi pour que ça aille mieux, l'espace d'une soirée ou plus. Voilà qui fait du bien! Et voilà qui rappelle que même à l'heure d'aborder la deuxième mi-temps (comme le dit Hugues Serraf), on a encore la vie devant soi.

Véronique Poulain, Célibataire longue durée, Paris, Stock, 2016.

Le site des éditions Stock.

Lu par A bride abattueAnoukCathuluC'est quoi ce bazar, ChloéClarabelEva, Galleane, Les tentatricesLily, Lire-relireLittle Pretty Books, Parfums de livresSariah litSophie Adriansen, Spondy.

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