Jean-Claude Zumwald – Tout commence par des amorces d'intrigues policières... et pourquoi pas? Surtout si l'une d'entre elles, destinée aux lecteurs de gazettes désireux de s'amuser au creux de l'été, s'avère tout sauf fictive. Tel est le point de départ du roman policier "Un aumônier au Golf Country Club" de Jean-Claude Zumwald. C'est aussi une nouvelle enquête de Victor Aubois, bonhomme d'un certain âge, portant beau, qui se partage entre les énigmes et les bonnes choses de la vie.
Et ce brave Victor Aubois, le voilà plongé dans des fictions qui le dépassent. Il aurait pu ne jamais y faire attention, mais voilà: le réel et les documents tapés avec une machine à écrire Underwood 5 qui lui sont tombés sous les yeux lui mettent la puce à l'oreille. Cette "mardiste" adepte de sorties en groupe ayant lieu le mardi, indigente notoire perdue parmi quelques richards, est-elle vraiment morte par accident? Curieux, désireux de faire parler les gens, Victor Aubois part sur la piste d'une intrigue qui paraît moins fictive qu'il n'y paraît. Ce qui va le conduire à faire le grand écart, entre le monde populaire de l'aumônerie de rue et celui, élitiste s'il en est, du golf.
Côté golf, l'écrivain décrit avec une précision de sociologue rigoureux les liens et hiérarchies qui s'installent entre golfeurs: être membre d'un club, c'est s'intégrer dans une société qui a ses codes. Il est permis de penser, au fil de ces pages soignées, au roman "La Guerre du golf" de Georges Ottino, qui s'aventure dans les mêmes contrées. "Un aumônier au Golf Country Club" montre un monde à l'ambiance feutrée, à la richesse discrètement exhibée, propice au réseautage entre calibres du golf. Et justement, le fameux aumônier assure son coup, si l'on ose dire. A-t-il quelque chose à cacher?
Oui, certes! Philipp Taylor a une histoire tortueuse, fondée sur quelques mensonges bien protégés a priori. C'est l'exemple du personnage dont les dissonances s'expliquent: il assure au golf, mais fait de la pastorale auprès des pauvres avec une empathie épatante. Sa confession en fait le personnage clé, le pivot du roman, et il est tout naturel que le titre du livre s'y réfère. C'est aussi un personnage travaillé, qui suscite l'attachement malgré ses zones d'ombre. Enfin, il trouve sa place dans l'univers du romancier, entre Fribourg et Neuchâtel, entre catholicisme et calvinisme austère: dans "Un aumônier au Golf Country Club", l'auteur sait rappeler ce que les mentalités du cru doivent au substrat religieux.
Il reste que c'est bien dans un contexte de misère sociale, qui frappe aussi la Suisse quoi qu'on en dise, que l'on trouve la clé d'un événement tragique trop vite classé, un cold case en somme, mais qui n'a rien d'un accident. Se ralliant à une veine classique, l'auteur déroule la bobine de l'entre-soi familial, que vient troubler un personnage tiers indésirable.
C'est sur le mode empirique, volontiers tâtonnant, que l'intrigue policière avance autour de Victor Aubois, lentement, au fil des mots et de paragraphes parfois longs. Cette réserve à part, force est de relever que Victor Aubois, épicier fin de son état, est un personnage attachant. Son goût des bonnes choses, qui tranche justement avec l'austérité calviniste, y est pour quelque chose. Le bonhomme se balade ainsi vers l'Alsace, y déguste quelques bons vins et partage le lit d'une belle femme, suspecte peut-être, au détour d'une occasion trop belle pour être manquée. Autant de bonnes choses que l'auteur décrit sur un ton de légères délices. Quelques rêves traversent le roman; et qui sait? Tel un nouveau James Bond, c'est dans les bras d'une femme croisée au fil de l'enquête que Victor Aubois va finir avec volupté... au moins jusqu'au prochain roman.
Jean-Claude Zumwald, Un aumônier au Golf Country Club, Sainte-Croix, Mon Village, 2019.
Le site de Jean-Claude Zumwald, celui des éditions Mon Village.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Allez-y, lâchez-vous!