dimanche 17 novembre 2019

Dimanche poétique 423: Jean Richepin


Le vin triste

J’ai du sable à l’amygdale.
Ohé ! ho ! buvons un coup,
Un, deux, trois, longtemps, beaucoup !
Il faut s’arroser la dalle
Du cou.

J’ai le cœur en marmelade.
Les membres froids, l’esprit lourd.
Hé ! ho ! crions comme un sourd
Pour étourdir ce malade
D’amour.

J’ai le nez blanc, l’œil qui rentre,
Le teint couleur de citron,
Le corps sec comme un mitron.
Je veux trogne rouge, et ventre
Tout rond.

J’ai, pour guérir ma folie,
Pris un remède, dix, vingt;
Et puisque tout fut en vain,
Je veux être une outre emplie
De vin.

Que les verres soient mes armes.
Moi je serai leur fourreau.
Nous tuerons l’amour bourreau
Qui met dans mon vin mes larmes
Pour eau.

Je ne bois pas, je me panse.
Au bruit du glouglou moqueur
Je fais taire ma rancœur.
Et j’enterre dans ma panse
Mon cœur.

Jean Richepin (1849-1926), La chanson des gueux, 1881. Source: Poetica.


4 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout, c'est une belle découverte, merci pour ce joli partage !
    Bon après-midi ! à bientôt

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je t'en prie! Une découverte pour moi aussi.
      Bonne semaine et à bientôt! :-)

      Supprimer
  2. Et tout ça pour finir à l'Académie française et en va-t-en-guerre de 1914 !

    Quant à ses talents de poète… je préfère n'en rien dire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dans le prolongement de la chronique sur "Une histoire du vin", cela nous change de "L'Ame du vin" de Baudelaire, certes génial mais rebattu… Bonne journée à vous!

      Supprimer

Allez-y, lâchez-vous!