Alexandre Ikonnikov – "Lizka et ses hommes", roman de l'écrivain russe Alexandre Ikonnikov, relate le début dans la vie du personnage de Lizka, vu à travers le prisme des hommes qui la fréquentent. L'auteur adopte un style distancé pour relater cette destinée entre URSS et Russie, ce qui confère à l'ensemble de l'ouvrage une ironie diffuse, habillée d'un certain humour. Et si Lizka peut paraître attachante au gré des péripéties parfois folles qu'elle vit (un saut en parachute, par exemple...), les hommes qui traversent sa vie ne pas toujours forcément aimables.
Posons d'abord le contexte historique: l'auteur entame son récit dans les années Staline, relatant l'histoire des grands-parents de Lizka. Un père officier absent, une mère sans profession vite décédée: il n'en faut pas plus pour que leur fille vive à son tour une existence dysfonctionnelle.
C'est là qu'émerge le personnage de Lizka, sur le fond d'une URSS avare en perspectives, peuplée de gens ayant une mentalité souvent matérialiste: dans une logique d'hypergamie nihiliste exposée avec un grand naturel (les conversations entre filles, recréées par l'auteur, sont très réussies et témoignent d'un désenchantement certain face à la gent masculine), le mariage est vu comme une manière de s'assurer une existence empreinte de sécurité, autant sinon plus que le lieu de l'amour.
L'auteur balade donc Lizka d'homme en homme, et si aucun n'est vraiment aimable (il y aura des menteurs, des crampons, des machos, des alcooliques, et même un Tatar pressé...), chacun constitue le portrait d'une certaine humanité, pas franchement glorieuse mais désireuse, surtout, de se débrouiller dans un monde présenté comme difficile.
Chacun de ces hommes, pourtant, laissera une trace dans l'existence de Lizka. Ces traces mises bout à bout, il en résulte une sorte d'éducation sentimentale et sociale haute en couleur, tendant parfois à l'absurde, toujours surprenante lorsque l'on considère les jalons de l'existence de cette jeune femme: partie à dix-sept ans de sa ville natale pour suivre les cours d'une école d'infirmière, on la retrouve concierge, prisonnière, soutien moral d'un personnage politique prometteur, puis chauffeuse de trolleybus. Et à chaque jalon, on se dit: "Cherchez l'homme..."
Quant à Lizka elle-même, l'auteur dresse d'elle le portrait d'une femme un peu cabocharde, fumeuse invétérée, capable de s'intégrer à un milieu plus urbain que celui d'où elle vient, aimant séduire. Surtout, elle semble quelque peu romanesque aux yeux du lecteur, voire encline au bovarysme, à force de lire des romans sentimentaux. Jusqu'à sa rencontre avec un poète porté sur la boisson (pléonasme dans le contexte de ce roman...) en quête de public attaché à son fauteuil et à sa télévision, et par-delà les aspects matérialistes de son parcours, elle renvoie dès lors l'image d'une femme à la recherche d'un sentiment devenu difficile à trouver: l'amour.
Alexandre Ikonnikov, Lizka et ses hommes, Paris, Editions de l'Olivier, 2004/Points, 2005. Traduit par Antoine Volodine.
Le site des éditions de l'Olivier, celui des éditions Points.
Lu par Littérauteurs, Wodka.
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