Sylvie Blondel – Dix nouvelles pour un court recueil, dans un esprit qui oscille entre aspérités de la vie et moments de lumière: voici ce qui constitue "Pépites", recueil de nouvelles de l'écrivaine Sylvie Blondel. Après un premier roman historique, "Ce que révèle la nuit", "Pépites" évoque la société d'aujourd'hui, ses femmes et ses hommes ordinaires.
"La nuit verte", qui ouvre le recueil et donne le ton, et "Une voix sous la porte", qui le conclut, entrent en résonance en abordant des thématiques typiquement féministes – la déshumanisation de la femme en premier lieu.
Celle-ci est métaphorique dans "La nuit verte", qui crée un tissu serré de références animales (la chèvre de Monsieur Seguin, entre autres) pour dessiner la tragédie du viol sur mineure et la résilience. Elle est réelle dans "Une voix sous la porte", nouvelle aux accents fantastiques mettant en scène une femme, modèle photo à l'occasion, transformée en iguane.
On a aussi envie de relever une autre paire de nouvelles, "Dévorer" et "Loin du réconfort", dont le point commun est de se dérouler au Japon. "Loin du réconfort" est la relation décalée, volontiers souriante, d'une visite au Japon de la narratrice, venue de Suisse. C'est avec délices que le lecteur vit ce choc des cultures, observé avec une extrême acuité: est-ce du vécu? "Dévorer" paraît plus sombre puisqu'elle évoque la pauvreté, un tabou de société au pays du Soleil Levant – a fortiori vécue au féminin.
Cette acuité, le lecteur la retrouve dans les aspérités des couples décrits dans plus d'une nouvelle. Tous fonctionnent, mais bien souvent à la condition que quelqu'un, souvent la femme, avale des couleuvres. Citons par exemple les humiliations qui sont le lot d'Ophélie, épouse de Marc, dans la rapide nouvelle "Café crime". Les sentiments peuvent être fugaces, comme l'idylle qui se joue entre les deux personnages, acteurs de théâtre, de "Quelque chose entre nous": "Nous jouions notre intrigue secrète au sein de l'intrigue principale".
Il y a aussi Gustave, goujat de la nouvelle "Le diable est ici", où l'on fait assaut de culture générale autour des Gastlosen, dans les Alpes suisses – une nouvelle qui voit aussi partir une femme libre après avoir été sous emprise – les portraits de femmes qui se libèrent de liens sociaux devenus indésirables sont d'ailleurs récurrents.
Le regard est précis et affûté pour dire le monde et les humains, et les mots, s'ils semblent simples, sont soigneusement choisis dans ces nouvelles. Rien n'y est excessif, la sobriété est la règle pour gagner en force. C'est ainsi que ces "Pépites", bien suisses ou ouvertes sur le monde, deviennent une lecture marquante.
Sylvie Blondel, Pépites, Lausanne, L'Age d'Homme, 2021.
Le site des éditions L'Age d'Homme.
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