Serge Kurschat – Après l'étude historique "Pierre-Nicolas Chenaux, le révolté gruérien", l'écrivain et historien Serge Kurschat nous revient avec un récit court et beaucoup plus personnel, "Honneur". Un beau mot, noble, porté haut tout au long de ce livre qui assume le fait d'être la relation fidèle aux noms près d'une tranche de vie de l'écrivain, intense, entre Congo et Sierra Leone. C'est que Serge Kurschat, actuellement écrivain et instructeur de self-défense en Suisse, a également été fusilier marin pour l'armée française – un "béret vert badgé à gauche". Troupe d'élite, dit-il: en être, tel est le premier honneur.
Si l'auteur souligne que tout est vrai dans "Honneur", force est de constater qu'il sait agencer cette vérité dans une volonté d'en faire un roman. On commence bien loin du cœur de l'action, lorsqu'un père de famille, Baptiste, reçoit par lettre une invitation à participer à une soirée de bienfaisance à New York. L'événement est exceptionnel, et l'auteur le souligne: le courrier n'arrive qu'une fois par mois dans son patelin mexicain, et chaque lettre est un événement. Atteint dans sa santé – mais n'est-ce pas un prétexte? – Baptiste hésite à y aller, son fils le persuade. Et c'est parti pour un immense flash-back...
Le lecteur amateur de militaria appréciera certes la description de l'adversité, des mouvements de troupes face à des adversaires hostiles à l'armée française présente entre la Sierra Leone et le Congo – nous sommes dans les années 1997. L'auteur émaille son livre de photos de son équipe, pour donner corps à ce propos. Mais s'il est précis pour dire l'action, il est souvent rapide aussi. Comme si l'essentiel n'était pas là.
Et justement, l'essentiel est bel et bien ailleurs. Et ce n'est pas pour rien que l'écrivain place au cœur de son récit la rencontre entre Baptiste dit Tac-Tac, le radio d'un bateau d'évacuation de réfugiés, et Ishmael, alias Demi-Portion, un gamin qui a fui les combats. Tel est le cœur du texte, et c'est à New York que tout va se dénouer. Séquence émotion garantie! Prenant une place prépondérante dans "Honneur", nourrie même par une histoire amoureuse, l'histoire d'Ishmael glisse dans le récit le thème des enfants soldats de Sierra Leone, abordé également par Jean-Claude Derey dans son roman "Les anges cannibales".
Entre-temps, l'auteur a eu le temps d'évoquer aussi les liens des militaires français avec les civils, en particulier ces Français pas toujours reconnaissants pour la protection conférée par les troupes, ou alors imbues d'elles-même. Il y aura aussi ce ministre qui rencontre les officiers mais se garde bien d'aller saluer les hommes de terrain. Ou ces collèges militaires pas toujours exactement à l'écoute. Honneur toujours: le combattant ravale sa rancœur, ne fait que faire preuve d'un sens aigu du devoir. Mais il n'oublie pas – ce que rappelle un "Je me souviens" à la Georges Perec, hommage sans concession, qui offre au lecteur une synthèse de la vie d'un militaire soudain plongé avec d'autres, toute une escouade, au cœur d'une guerre oubliée des médias.
Serge Kurschat, Honneur, auto-édition, 2020.
Le site de Serge Kurschat.
Lu par Irène Ferrari.
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