jeudi 3 décembre 2020

Une nouvelle légende des cafés, avec le sourire

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Benoît Caudoux – "Je sors de chez moi, je traverse un peu de ville et je vais au café". Tout est dans cet incipit que le lecteur va retrouver, tel quel ou sujet à de menues variations, au début des quatorze chapitres du roman "Sur quatorze façons d'aller dans le même café", roman de Benoît Caudoux. Il sera question en effet du logement d'un narrateur à l'identité fluctuante, de la ville où il habite et du café qu'il hante. 

Alors oui: au début, ça fait drôle de se plonger dans un roman qui dit les détails, les gens, qui regarde et qui écoute, bref: qui brille d'une attention de tous les instants. Le lecteur se sent du coup plongé dans quelque chose qui ressemble à un tropisme façon Nathalie Sarraute. Il y a le sourire en plus, mais n'anticipons pas: le premier chapitre pose le décor. 

En effet, le premier parcours vers le café est un moment où le narrateur se situe par rapport à la foule, à la fois étranger et observateur, auditeur aussi. Qui est hostile à qui? Cette recherche d'une bonne distance entre soi et les autres se retrouve dans la description des moments passés au café, en particulier avec ce bonhomme qui boit sa bière au bar à côté d'un narrateur assoiffé de bière et de livres qui n'a pas très envie d'engager la conversation mais se laisse prendre au jeu quand même, les bières faisant le lien.

Il y a dans "Sur quatorze façons d'aller dans le même café" ce goût pour les détails de la vie auxquels personne ne prête d'attention, ou si peu. La porte du café, de ce point de vue, est emblématique: alors que d'ordinaire, on la pousse sans y prendre garde, l'auteur la met franchement en évidence par des rectangles dessinés où apparaît, en bâtons, le numéro du chapitre. Ces portes subdivisent les chapitres en deux: passé la porte dessinée, le lecteur est symboliquement dans le café avec le narrateur.

Cet intérêt pour les objets dont tout le monde se fiche ne s'arrête pas au café, et c'est même l'un des ressorts de l'humour de ce roman. Le lecteur ne peut que sourire, par exemple, à l'évocation décalée de la relation quasi amoureuse du narrateur avec le sol de son appartement, auquel il arrive même de balancer des assiettes à la figure. Il y a un chapitre d'anthologie aussi, franchement cocasse, où l'auteur se vante d'avoir des slips bulgares, bien éloignés de l'esbroufe des slips australiens. Les kangourous n'ont qu'à bien se tenir.

L'ambiance des cafés, c'est aussi les personnes qui les hantent. On ne saura pas grand-chose du bonhomme qui boit sa bière au bar au chapitre 2 et qui paraît être une ombre. On trouvera plus savoureuse, pour le meilleur,  l'évocation de ce bonhomme qui explique son métier de distributeur d'échantillons pour France Télécom, inventeur de machines inutiles – écho à l'écrivain lucide sur l'utilité de ses livres? Et toujours aussi savoureux, quoique moins aimable, il y a le bonhomme qui pérore sans fin. 

A sa manière, l'écrivain dessine ainsi une nouvelle "Légende des cafés", qui fait penser de loin au recueil de chroniques de Georges Haldas. Quatorze chapitres, cela dit, c'est autant que les stations d'un chemin de croix traditionnel, et il serait intéressant d'approfondir une telle lecture. Cela, d'autant plus que la souffrance du Christ, perçue comme belle, est furtivement évoquée (p. 107). Ces questions autorisent le lecteur à lui-même divaguer dans des théories à caractère mystique, par exemple sur ce philosophe arabe qui considère que Dieu devrait être considéré comme petit, parfait parce qu'il n'est pas encombré de sa grandeur.

Le narrateur, enfin, assume un certain sens du ridicule et accepte de jouer un rôle en société. C'est ainsi que l'on peut comprendre le dernier chapitre de "Sur quatorze façons d'aller dans le même café", où le narrateur, décrivant son sourire naïf, fiche à son tour la banane à son lectorat. Mais ce rôle de naïf, comme pas mal d'autres d'ailleurs, le narrateur l'a joué tout au long du roman déjà, en observant avec un regard neuf tout ce qu'il y a chez lui, sur le chemin et au café. 

Benoît Caudoux, Sur quatorze façons d'aller dans le même café, Paris, Leo Scheer, 2010.

Le site des éditions Leo Scheer.

Lu par Save My BrainSébastien Arnold.



1 commentaire:

  1. Bonjour, je voulais vous présenter mon 3ème roman félin « TROPIQUE DU CHAT » (ISBN: 979-10-348-1430-5 / Christine LACROIX), une invitation au voyage sans bouger de chez vous, qui vient de sortir chez Evidence éditions. Il est disponible en broché et en ebook en librairie, chez la boutique évidence ou sur les sites en ligne : https://www.amazon.fr/dp/B084NYFSRL/ref=dp-kindle-redirect?_encoding=UTF8&btkr=1 C’est un voyage exotique sur l’île papillon. Vous y découvrirez les paysages, la faune et la flore de la Guadeloupe avec pour guide Toussaint Louverture, un chat créole. Un road movie antillais qui vous emporte loin de chez vous. En voici le résumé : Toussaint Louverture est un général de cavalerie né en 1743 à Saint-Domingue. En 1791 il posa la première pierre d'une nation noire indépendante en Haïti. Toussaint Louverture c’est aussi le héros de «Tropique du chat». Un «Cat-ribéen» qui raconte son île d’azur et de jade à travers ses yeux de félin. Blanchette est une petite chatte métropolitaine qui vit sa deuxième vie en gris, et rêve de lapis-lazuli et d’émeraudes. Sept mille kilomètres d’océan les séparent. Mais le destin se moque des distances… Un extrait est à lire sur mon blog félin : http://chat-pitre.over-blog.com Colonne en bas à droite, dans « MES ECRITS ». Portez-vous bien. AMICHAT. CHRISTINE LACROIX
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