Zuska Kepplová – L'Europe est leur terrain de jeux, on les retrouve à Paris, Londres, Helsinki, Budapest. Eux? Ce sont les personnages du roman "Le Biscuit national" de l'écrivaine slovaque Zuska Kepplová. Un roman hanté par des jeunes gens et surtout des jeunes filles qui ont quitté la Slovaquie, sans que celle-ci, au contraire, ne les ait totalement quittés.
Le biscuit national qui donne son titre à ce livre apparaît comme un symbole, et ce, dès les premières pages: il s'agit des friandises Horalky, connues de tout le monde dans le pays, garantie honnête et sans artifices capitalistes comme le dit l'un des personnages. C'est une référence pour ceux qui sont partis, mais aussi pour les anciens, restés au pays et qui s'accrochent à ce qu'ils peuvent alors qu'ils ont traversé des années de profondes mutations – que la démolition de la piscine Central, évoquée en incipit, pourrait symboliser concrètement.
De façon générale, entre autres avec la mention des "Buchty" également, la nourriture apparaît comme un leitmotiv et un point de repère dans "Le Biscuit national".
L'auteure décrit dans "Le Biscuit national" une jeunesse devenue mobile, qui quitte le pays pour trouver, peut-être, un monde meilleur. Elle décrit le changement des mentalités, qui s'occidentalisent au gré des découvertes, par exemple des sociétés plus hétérogènes que celle du pays d'origine. Cela, sans jamais oublier les racines! Centrant chacune des parties de son livre sur un personnage et un lieu, l'écrivaine évoque les petits boulots, la précarité, une vie de bohème en somme, en allant aux éléments concrets: logements miteux et squats où l'on cherche à se faire une vie quand même, nourriture à bas prix achetée au supermarché Tesco. Bien sûr, il y a aussi les amours, le sexe.
Et si les mentalités changent, elles ne manquent pas de s'entrechoquer. Elles le font au fil des anecdotes douces-amères, parfois amusantes aussi, qui émaillent "Le Biscuit national" et sont le vécu des personnages à travers les yeux desquels le lecteur découvre ce roman: pas de sushi pour une mère slovaque venue voir son enfant, par exemple, alors que ce plat est entré dans l'usage en Occident.
"Le Biscuit national" s'achève par la séquence "Trianon – Delta". Un peu à part, elle relate une histoire d'amour entre trois personnages, soudain à la première personne du singulier. Si le ton diffère, les thèmes demeurent: expatriation, jeunesse, rêve européen et désenchantement. Et Trianon fait référence à la dissolution de l'empire austro-hongrois – un passé partagé par les personnages mis en scène, et un nom qui fait figure de mot de passe, de point de repère au-delà des frontières.
Zuska Kepplová, Le Biscuit national, Paris, Intervalles, 2019. Traduit du slovaque par Nicolas Guy.
Le site des éditions Intervalles.
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