mercredi 12 décembre 2018

Le management, côté sourire

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Gabriel Fuchs – Et si l'on prenait le management à la rigolade? C'est ce qu'invite à faire l'auteur Gabriel Fuchs, un ingénieur-consultant suédois passionné de photo installé en Suisse. Paru en 2009, son anti-manuel de management "La Comédie du management" compile une pleine brassée de chroniques qu'il a rédigées avec générosité pour le journal suisse "PME Magazine" durant la première décennie du vingt et unième siècle. L'auteur les écrivait en anglais, charge à Grégoire Baillod et François Schaller de les adapter en français.


Naturellement, il est toujours judicieux d'avoir une vague idée de ce dont on parle – même si, je le concède, le sens des termes et thèmes utilisés dans le livre avec une complaisance non feinte échappe sans doute à ceux-là mêmes qui s'en servent au travail. Il sera donc question de coût de l'investissement, de loi de Pareto (transposée à tout ce qui bouge en un amusant exercice de jonglage), de curriculum vitae menteurs et de plein d'autres choses. Tous les mots-clés sont d'ailleurs recensés comme autant de "tags" sur le rabat de la couverture, en un inventaire à la Prévert du jargon des cadres. L'ouvrage trahit aussi son époque: il y est question, quelque part, de la loi Sarbanes-Oxley. Qui s'en souvient? Et utilise-t-on encore des Filofax bien chers pour noter ses rendez-vous?

Transformation des échecs en succès, militarisation du monde du management (qui emprunte ses termes à l'armée), gadgets tels que les agendas électroniques, responsabilités fluctuantes, rapports de force: l'auteur aime observer certains mécanismes et comportements intrinsèques à l'entreprise. C'est ce qu'il nomme la dimension "politique", faite d'observation d'ego et de stratégies plus ou moins personnelles – une dimension humaine, en un seul mot, mise à nu. Le chroniqueur ne recule devant rien, allant jusqu'à signer une chronique pince-sans-rire sur le burnout, qui mène à la dépression, voire à l'infarctus, par cycles.

Et ça sent le vécu, moyennant une louche de caricature et de mauvaise foi jouissive! Comme l'indique François Schaller, préfacier, la source d'inspiration de l'auteur réside bel et bien dans les entreprises où l'auteur intervient comme consultant. Cela, à telle enseigne qu'il lui a fallu prendre un pseudonyme pour signer ses chroniques dans la presse. Cette impression de vécu est encore accentuée par le fait que chaque chronique commence par l'expression "Là où je travaille" – qui était du reste le titre de la rubrique qu'animait l'auteur dans "PME Magazine". Cette expression revient même au cours du texte, comme un leitmotiv.

Loin d'être pessimiste ou plombant, "La Comédie du management" divertit en proposant à ses lecteurs de prendre du recul avec tout ce qui se dit et se fait au travail, et d'y réfléchir un instant. Un recul qui manque parfois dans le monde sec et sérieux de l'entreprise; cela dit, il paraît que publiées dans "PME Magazine", les chroniques de Gabriel Fuchs avaient un franc succès. Peut-être que ceci explique cela: "Là où je travaille..." constituait une respiration bienvenue, attendue. Et ce livre en est le prolongement.

Gabriel Fuchs, La Comédie du management, Vevey, Xenia, 2009. Adapté de l'anglais par Grégoire Bâillon et François Schaller.

Le site de Gabriel Fuchs, celui des éditions Xenia.

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