jeudi 14 décembre 2017

Chloé et Constance: on ne peut s'en passer!

10442781
Marie Vareille – Chloé à la fête, Constance pompette. Le ton est donné: "Je peux très bien me passer de toi" est un roman empreint de légèreté, et une excellente chick lit à la française signée Marie Vareille. Fêtes, amours, vie du bon côté, entre Paris, le Bordelais et Londres: le lecteur s'amuse au fil de péripéties exactement orchestrées. Quels sont les secrets d'un tel roman?

Avant tout, le lecteur se retrouve face à des personnages auxquels il croit, sans glamour excessif ni misérabilisme. Au bout de leur vingtaine, Chloé et Constance exercent à Paris l'un de ces "bullshit jobs" (comme dirait David Graeber) qu'on ne sait ni nommer ni expliquer. Au bureau ou ailleurs,  les amours vont bon train: si Chloé collectionne les aventures sans lendemain pour oublier un amour passé qui ne passe pas, Constance vit son "no sex land" depuis (trop) longtemps. D'où un pacte entre amies, qui oblige chacune d'elles à modifier radicalement ses habitudes: démission, déménagement, cours de drague, tout va y passer. C'est là que tout démarre.

Autour d'elles, l'écrivaine a la capacité de disposer des personnages masculins empreints d'humanité, bien mieux que les figures stéréotypées qu'on peut trouver ailleurs. Là aussi, ce sont des gens d'apparence banale, avec leurs qualités et leurs défauts, et l'auteure, en plus de les travailler plutôt en profondeur, a l'art de leur conférer un soupçon d'originalité. Ainsi, mettre un vigneron, Vincent en l'occurrence, dans un roman de chick lit, fallait oser! Cela permet à la romancière d'expédier l'un de ses personnages dans le Bordelais, donc en terre rurale – ce qui dépoussière radicalement les décors d'un genre littéraire a priori citadin. Et, accessoirement, suggère le rêve inavoué de campagne que peuvent avoir certaines gens des grandes villes – un avant-goût du syndrome de la chambre d'hôtes?

Concernant l'action, l'auteure voit grand et dissèque bon nombre de travers et caractères types de la société contemporaine. Ses personnages sont bien de leur temps, en effet: le SMS est un mode de communication prisé, les filles surfent sur Internet au bureau avec une discrétion toute relative, et les aléas des téléphones portables (batterie plate) font partie d'un quotidien dont, de façon plus générale, l'auteure identifie toutes les petites catastrophes avec finesse – jusqu'aux comptes en banque à découvert qui n'empêchent pas de jouer les accros du shopping.

Du côté des mentalités aussi, l'auteure la joue moderne: pour approcher un homme, les Parisiennes mises en scène n'hésitent plus à prendre l'initiative, ou en tout cas à vouloir le faire. A cet égard, si caricatural qu'il soit – il peut rappeler un banal cours d'affirmation de soi appliquée – le cours de séduction pour femmes en déficit assertif est évocateur. D'un autre côté, l'écrivaine sait mettre en avant des sentiments de toujours, l'amour mère-fille faisant écho aux sentiments qu'une femme peut avoir pour un homme, ou pas, ce qui donne des pages émouvantes, pas toujours faciles à vivre pour les personnages: le lecteur va se retrouver plongé tantôt dans un enterrement, tantôt dans un mariage en province qui vire au clash alcoolisé. Tout cela amène Chloé et Constance bien plus loin qu'elles ne l'avaient prévu...

Chick lit au sens noble, "Je peux très bien me passer de toi" est aussi, et cela lui donne de l'épaisseur, un roman où les générations se côtoient, du bébé de Charlotte (une jeune mère qui aime bien mener son monde) jusqu'aux aînés malicieux mais sages – sans oublier cette mère dont le seul regret, à sa mort, est de n'avoir pas terminé de lire "50 nuances de Grey". Tantôt journal, tantôt narration classique qui va vite, c'est aussi un roman porté par le rythme soutenu d'un verbe léger et pétillant, qui prête à sourire à plus d'une reprise, au fil de sorties qui claquent, de comparaisons hyperboliques qui soulignent en rouge (à lèvres) les petits désarrois et les petits bonheurs de Chloé et de Constance.

Marie Vareille, Je peux très bien me passer de toi, Paris, Charleston, 2015.

Le site et le blog de Marie Vareille, celui des éditions Charleston.



2 commentaires:

  1. Je vais le rajouter a ma liste de souhait =) http://sur-mon-etagere.over-blog.com/

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Emmanuelle, merci pour ton commentaire et ta visite!
      Oui, c'est un livre sympa! Je t'en souhaite une agréable découverte.

      Supprimer

Allez-y, lâchez-vous!