dimanche 29 octobre 2017

Un bouquet de nouvelles pour écrire l'intime

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Zoé Derleyn – Un accent circonflexe en forme de limace: ce sera la seule concession du recueil de nouvelles "Le goût de la limace" à l'orthographe traditionnelle, puisqu'à l'instar de tous les ouvrages des éditions Quadrature, celui-ci a été corrigé selon les recommandations orthographiques de l'Académie française (1990). Une élégance animalière pour ce tout nouvel ouvrage signé de l'écrivaine et peintre belge Zoé Derleyn, s'ouvrant et s'achevant sur des nouvelles brèves pour une entrée en matière et une issue confortables, les textes plus longs occupant le milieu du livre.


Soucieuse du rythme de la phrase, l'écriture du "Goût de la limace" entretient un certain flou artistique, entre autres en ce qui concerne la temporalité: on ne saura guère à quelle époque précise se passent les nouvelles. L'action est par ailleurs minimale et s'inspire de la vie de tous les jours, la plus ordinaire. En revanche, chacune des nouvelles donne toute sa place aux personnages, décrits tant dans leurs actes que, surtout, dans leur intériorité et leurs ressentis.

De ce point de vue, les petites choses que l'auteure entend mettre en avant sont volontiers agrandies, comme observées à la loupe, à la manière des "Tropismes" chers à Nathalie Sarraute. Cela vaut en particulier en ce qui concerne l'introspection, point fort du recueil "Le goût de la limace": l'auteur fait résonner longuement les ressentis de ses personnages, qu'il s'agisse d'une sensation immédiate ou de souvenirs qui remontent à la surface.

Ceux-ci ont souvent trait à la mort, thème récurrent de ce recueil, ce qu'annonce déjà sa première nouvelle, "Le Camion", où il sera aussi question de photographies post mortem – et de souvenirs d'enfance. En écho, plusieurs nouvelles mettent en scène des personnages d'enfants. De ce point de vue, on relève en particulier le beau travail de recréation d'une voix, empreinte de poésie et d'un regard d'enfant, dans "Le Terrain vague".

Dense et foisonnant, le style des nouvelles du "Goût de la limace" est de ceux qu'on lit lentement. Le lecteur pourra parfois se sentir perdu, se demander de temps en temps ce que l'auteure veut lui raconter. Mais force lui sera de relever la beauté de l'écriture qui porte chaque nouvelle de ce recueil.

Zoé Derleyn, Le goût de la limace, Louvain-la-Neuve, Editions Quadrature, 2017.


2 commentaires:

  1. tentée parce que a l'air particulier... mais dégoûtée par le titre! :)

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    1. Ah oui, le titre est énorme!

      Il m'a fait penser aux expériences du chercheur anglais Charles Foster, qui s'est mis réellement dans la peau de quelques animaux sympathiques, tels que le blaireau, ce qui l'a amené à manger des vers de terre - il en parle dans son livre "Dans la peau d'une bête"...

      Heureusement, il n'est de loin pas question que de limaces dans ce recueil de Zoé Derleyn; je ne peux donc que t'inviter à le lire, ne serait-ce que pour le remarquable travail sur le style.

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