Gérald Tenenbaum – Entre Seconde guerre mondiale et décolonisation, il peut se passer pas mal de choses en France. Dans "L'Ordre des jours", l'écrivain Gérald Tenenbaum recrée le monde de ceux qui ne veulent pas oublier les camps de concentration nazis, où certains des leurs ont péri. Et le personnage de Solange, qu'on eût nommé Sarah, est au centre de ce roman qui fait se rencontrer des déportés, installés en Alsace et s'efforçant de se recréer une vie.
Ce qui compte pour Solange, c'est de retrouver la mémoire de son père Isy, alias Isidore ou Israel. Le lecteur apprendra peu à peu qui est ce personnage aux allures de tragique arlésienne, dont la quête va s'étendre dans toute l'Europe. Absent, il mobilise ceux qui lui succèdent, qui lui survivent, dans un cadre où se mêlent la combine pour vivre et les questions liées à la décolonisation, un thème qui s'impose à peine la Seconde guerre mondiale est-elle finie.
On n'oublie pas, certes; mais surtout, pour le microcosme de juifs de Lorraine que l'auteur met en scène, il faut vivre! L'auteur excelle à rapprocher les personnages qui vont bien ensemble, et développe leur évolution. Avec le personnage de Simon, c'est l'amour qui se dessine, puis le mariage et le statut de parents, malgré une impuissance significative de la part de Simon: celle-ci est l'image d'une fêlure intérieure du personnage. Et puis on coopère, on s'associe pour faire des affaires: tel personnage, Pomerantz, développe ainsi son entreprise de textiles.
Le voyages sont aussi de la partie, jusqu'en Indochine. Se mobiliser pour la défense du pays peut être une solution pour se réintégrer, mais aussi une manière de repartir sur les traces du personnage d'Isy.
Certes, il faut à l'auteur un certain temps pour planter le décor et montrer les rapports de force, avant d'avancer vraiment dans le vif du sujet, d'autant plus qu'il se montre volontiers allusif: en particulier, l'ancrage temporel, s'il est précis et indiscutable (on cite "Le Poinçonneur des Lilas" de Serge Gainsbourg, on danse la balboa, et les méandres de la politique sont bien dessinés), s'avère parfois fort discret. Un flou s'installe aussi au travers des noms des personnages: presque chacun en a plusieurs, que ce soient des surnoms ou des noms destinés à ne pas éveiller l'attention de l'occupant nazi. L'auteur suggère ainsi les multiples identités possibles de ses personnages, mais le lecteur ne sera jamais dérouté: le jeu est clair.
La force majeure de "L'Ordre des jours" réside dans la beauté d'une écriture musicale, rythmée par des chapitres courts. L'auteur aime jouer avec les mots, gauchir certaines expressions courantes pour en révéler des sens insoupçonnés dans un esprit ludique. Et pour un surcroît de couleur, il va jusqu'à glisser des répliques en yiddish, langue moribonde, témoins d'un passé qui, malgré le génocide nazi, refuse de s'éteindre.
Gérald Tenenbaum, L'Ordre des jours, Paris, Editions Héloïse d'Ormesson, 2008.
Lu par Florinette, Papillon.
Merci pour cette fine analyse. Le prénom de l'auteur est Gérald, mais la confusion le poursuit depuis son enfance, donc aucun traumatisme ;-). Ce roman doit reparaître en poche début février aux éditions de l'Aube.
RépondreSupprimerOups! Je vous demande pardon pour cette erreur, que je viens de corriger. Encore merci pour votre passage par ici, et bonne année!
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJuste un petit mot en passant pour vous signaler la parution du roman Les Harmoniques aux éditions de l'Aube en février dernier.
Bien amicalement à vous,
GT
Avec un peu de retard, merci pour cette information! Je vous souhaite beaucoup de succès avec cette nouvelle publication. Et bonne journée à vous!
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