dimanche 30 novembre 2025

Une intrigue policière sous la lune

LUNE

Clémentine M. Charles – Que peut-on faire lorsqu'on a été mise au placard, reléguée dans les confins d'un empire? Mener l'enquête! Dans le but d'une illusoire rédemption, c'est l'activité à laquelle s'adonne Lissia Aldoressan, dite Do, générale quelque peu alcoolique tombée en disgrâce. "La Lune s'en moque" relate son exil dans une région aux confins de l'empire qu'elle a servi longtemps, et illustre une motivation que le lecteur ne peut que saluer. Cela, dans l'esprit de la Dark Fantasy.

En tournant les pages, le lecteur se trouve en effet plongé dans l'ambiance particulière, très personnelle, que la romancière met en place. Il est permis d'y voir la récréation d'un passé de fantaisie, si l'on songe à l'absence de technologie ou à des costumes militaires à l'ancienne. Il ne sera en revanche pas question d'éléments futuristes complexes. Il n'empêche: tel qu'il est écrit, "La Lune s'en moque" pourrait aussi se dérouler dans un avenir imaginaire, radicalement post-technologique. 

C'est dans ce monde parallèle à la temporalité floue, dépourvue des repères historiques coutumiers du lecteur, que l'intrigue se développe. Et le terrain se révèle aride dans cet univers organisé en fonction de structures claniques entretenant entre elles de fragiles équilibres, peuplé par ailleurs de personnes peu bavardes, et où prospère un système religieux fanatisé autour de croyances lunaires. Pourtant les morts se succèdent...

"La Lune s'en moque" constitue le développement en roman d'une nouvelle de l'auteure. Son originalité, et ce qui en fait aussi un roman accessible même aux lecteurs peu familiers de la Dark Fantasy, c'est de développer son intrigue selon les règles du roman policier, avec ses obstacles, ses doutes et ses coups de théâtre. Une succession de lettres vient s'intercaler entre les chapitres afin d'indiquer au lecteur comment Do en est arrivée là – et apporter une rupture rythmique bienvenue.

Et même si la narration s'avère assez lente, par souci de dessiner un univers totalement imaginé et propice à l'évasion par la lecture, le lecteur vient à bout de cette histoire dense, cohérente et travaillée en profondeur, qui apporte aussi le lot de scènes violentes presque inhérent au genre. Cela, sans oublier quelques personnages pittoresques, ni des aspects originaux, comme cet interrogatoire faussement pépère, mené avec finesse et sans souci apparent de nudité, dans les remous d'un bain thermal...

Clémentine M. Charles, La Lune s'en moque, Saint-Etienne, Les Titanides, 2025, préface d'Estelle Faye.

Le site des éditions Les Titanides.

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup cette idée de roman de dark fantasy développé selon les codes du roman policier. Merci pour cette découverte fort intrigante !

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    1. ... made in Saint-Etienne, une fois de plus! Ce que j'ai apprécié, c'est que ce roman reste accessible même à des lecteurs et lectrices peu familiers de la Fantasy, a fortiori "dark". Bonne découverte à toi, Audrey!

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