Donald Westlake – On croyait avoir tout vu et tout vécu avec la téléréalité. C'est mal connaître l'imagination d'écrivains comme Donald Westlake (1933-2008). Dans son thriller "Top Réalité", le dernier qu'il ait vu paraître de son vivant, il imagine un projet d'émission mettant en scène de véritables cambrioleurs au travail. Personnage emblématique de l'écrivain, Dortmunder est à la manœuvre.
L'écrivain Donald Westlake est connu pour son humour, mais force est de constater que celui-ci ne m'a pas paru être l'élément fort de "Top Réalité". Certes, il y a de quoi sourire face à plus d'une situation, en particulier lorsque la production de l'émission de téléréalité constate qu'elle a en face d'elle de véritables professionnels, capables d'avoir plus d'un coup d'avance.
Mais ce qui impressionne davantage, dès le premier chapitre, c'est bien la rigueur et l'efficacité de la narration: celle-ci résout les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent, comme au fil de la plume, avec un grand naturel. Soigneux, soucieux du détail, l'auteur ne s'autorise jamais à partir en roue libre sous couvert de rigolade. Il en résulte l'impression étrange d'un humour sérieux.
L'auteur campe une belle série de personnages bien campés à partir de deux ou trois caractéristiques qui les rendent facilement reconnaissables, y compris par antithèse. On pense par exemple au personnage de Tiny, impénétrable géant aussi large que haut. Reconnaissables, ces personnages le sont aussi pour leurs semblables, à l'exemple du tenancier de l'OJ Bar, base arrière des cambrioleurs, qui les identifie par les boissons qu'ils commandent rituellement.
L'idée d'une émission de téléréalité mettant en scène des cambrioleurs est pour le moins originale, et l'auteur l'exploite avec méthode au niveau de l'intrigue, mais pas seulement. Elle permet à l'écrivain de développer des allers et retours incessants entre la réalité et la mise en scène télévisuelle, mettant à nu quelques-uns des usages d'une certaine téléréalité trafiquée, qu'il brocarde sans ménagement: recours à des acteurs professionnels (et des actrices, sexy tant qu'on y est, hein?!), recréation de décors. Et les cambrioleurs se laissent prendre eux-mêmes à ces recréations qui s'avèrent, au montage, plus vraies que nature. Mais pas authentiques, pour le coup...
Qui triche le plus, alors, entre une équipe de télévision véreuse en col blanc et des cambrioleurs qui tentent de doubler la production (et la mise)? Les caméras de télévision vont-elles remplacer les caméras de surveillance dans un monde voué au flicage généralisé? En définitive, c'est une entourloupe organisationnelle qui aura la peau du projet. Et le lecteur aura eu le plaisir de lire avec un certain sourire une histoire rondement menée, originale, agréable et efficace.
Donald Westlake, Top Réalité, Paris, Rivages/Noir, 2017/2019. Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Bondil.
Lu par Christophe Laurent, Jean-Marc Laherrère, Yan.
Intéressant cet ouvrage et il soulève des questions qui deviennent existentielles de nos jours.. effrayant et captivant à la fois, je me laisserais bien tentée par cette lecture =) Merci pour le partage de ce livre Fattorius !
RépondreSupprimerC'est à essayer en effet, l'idée de la "société de surveillance" y est présente – vue par des cambrioleurs. De mon point de vue, je m'attendais à rire davantage, mais ça reste un excellent roman, rigoureusement construit. Je ne peux que vous dire d'essayer! :-)
SupprimerJe vous souhaite une belle soirée, Tay; merci de votre passage et de votre commentaire.