François Martini – Tout le monde a un cadavre dans son cagibi. Suffit de le trouver et de le considérer comme tel. Avec son bref roman "Un cadavre dans le cagibi", François Martini défie les lois du genre policier en leur offrant une élasticité inouïe. La notion même de cadavre, cruciale s'il en est, est interrogée...
On pourrait se dire que "Un cadavre dans le cagibi" concentre l'art de compliquer une intrigue d'apparence limpide: Tara Tranxène a tué son mari Georges et a caché son cadavre dans le cagibi de l'appartement, situé dans la barre Debussy de La Courneuve, déconstruite de manière spectaculaire en 1986. Et l'agent Paul Flick, très beau, mène la non-enquête. Ou la méta-enquête...
Dès lors que le cadavre paraît bouger encore, en effet, "Un cadavre dans le cagibi" glisse son lecteur sur une piste: celle de la remise en question systématique, ravageuse et hilarante, des codes du roman policier.
En l'occurrence, le cadavre est un fantôme, ce qui complique l'intrigue, plaçant Paul Flick en porte à faux: embarqué dans des considérations fantastiques ordinairement étrangères au roman policier, il aura de la peine à faire rapport de son enquête face à une hiérarchie policière froidement rationnelle. Et des fantômes, il y en aura d'autres.
Côté personnages, l'auteur s'éclate dans un monde à la San-Antonio. On l'a dit, l'enquêteur est très beau; de plus, il est encore plus endurant que San-A au lit, laissant comblée la suspecte principale, elle-même d'une beauté outrancière. Les jeux de mots concernant les noms des personnages sont eux-mêmes un gag: c'est carrément le festival des aptonymes. Tous paraissent du reste humblement conscients d'être des personnages de roman et non des êtres de chair, comme le prétendent beaucoup trop de leurs semblables.
L'auteur met aussi en scène Sarah Tranxène, la fille de Tara, une fillette de quatre ans. Comment faire pour qu'elle passe à la casserole sans qu'il y ait pédophilie? Il suffit de trouver un moyen de dégommer les contraintes temporelles. En l'espèce, l'auteur imagine une descente aux enfers qui part de l'appartement où s'est produit le crime vers le royaume de Satan. Que l'agent et Sarah descendent les escaliers ensemble et la fille devient une vamp de vingt ans...
On l'a compris: "Un cadavre dans le cagibi" est un roman policier tout en sorties de route, systématiquement et délicieusement absurde, qui démontre qu'il suffit d'injecter un chouïa de fantastique bien allumé dans un polar pour que tout d'un coup, on s'explose comme la barre Debussy en 1986. Sauf que pour le lecteur, c'est de rire.
"Un cadavre dans le cagibi" est un roman court, une "amusante pochade" selon l'auteur lui-même; on aurait même aimé en avoir deux ou trois tranches de plus, comme après une pizza délicieuse mais trop petite. En guise de supplément, l'auteur offre donc "La Quadrature", une nouvelle qui raconte les amourettes d'un cercle et d'un carré dessinés sur une feuille de papier à dessin. L'amour parfait est-il une nouvelle quadrature du cercle, défiant les lois de la seule raison? Une fois de plus, je ne briserai pas l'intimité de la géométrie. Tout au plus signalerai-je que cette nouvelle est également présente dans un autre livre de François Martini, "Le Temps".
François Martini, Un cadavre dans le cagibi, Malakoff, chez l'auteur, 2007.
Le site de François Martini.
EDIT: l'auteur m'indique qu'il tient le texte de "Un cadavre dans le cagibi" à la disposition de toute lectrice ou de tout lecteur intéressé, sur simple demande à son adresse e-mail: francois.martini -AT- gmail.com.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Allez-y, lâchez-vous!