Jérôme Sublon – Tout commence par l'assassinat particulièrement sauvage d'un notable villageois, Delmare, quelque part dans le Vercors. Il a été perpétré au moyen d'une scie à bois utilisée dans une scierie. Il y en a partout... c'est le point de départ de "Corps rouge dans le Vercors", roman policier efficace et captivant signé Jérôme Sublon. C'est aussi la deuxième enquête d'Aglaëe Boulu, après un "Nozze nere" campé en Corse.
L'auteur dessine d'une manière à la fois classique et talentueuse quelques villageois typiques. Peu à peu, dans ce patelin du Vercors, se dessine un amas de secrets qui tournent tous autour de la scierie, évoquée en début de roman. Autour de celles-ci s'agitent plusieurs notables, ayant tous peu ou prou intérêt à la disparition de Delmare, le propriétaire. C'est que tout se sait, dans ce village. Aussi le passé, symbolisé entre autres par le monument aux morts de la Seconde guerre mondiale.
Ces villageois sont bien typés, et l'auteur ne manque pas de faire preuve d'humour à l'occasion. Il y par exemple ce vieux noble qui vient chaque jour prendre son petit-déjeuner à l'hôtel où Aglaëe Boulu est logée pour les besoins de l'enquête. Ou la femme de Delmare, bonne copine avec l'épouse d'un autre suspect, fournisseur de bois intransigeant. Ou, pour un peu d'humour en apparence, Colette Blanche, qui fait du calcul mental en étendant son linge. Ce qui procure de précieux indices à la police.
La recherche du coupable prend vite des allures d'enquête de voisinage, Aglaëe n'hésitant pas à se faire préciser tel ou tel aspect, même brièvement – l'auteur assume le risque du ressassement. Le suspens n'est en rien perdu: tout le monde est suspect à un moment ou à un autre, mais quelque chose ne colle pas... Du coup, l'écrivain travaille aussi les états d'âme d'Aglaëe Boulu, mise sous pression par une hiérarchie qui doute à mesure que les cadavres s'amoncellent, l'horreur des homicides étant constante: l'auteur fait courir un assassin qui ne manque ni d'inventivité, ni de raffinement lorsqu'il s'agit de faire souffrir. Cela, sans oublier qu'Aglaëe Boulu est rejointe par un autre policier, ex-amant, ce qui réveille de vieux démons.
Autant dire qu'il lui faudra faire marcher ses petites cellules grises pour mener à bien cette enquête où, comme de bien entendu, les apparences sont trompeuses. Cellules grises? L'expression n'est pas fortuite ici. C'est en effet sur un finale à la Hercule Poirot que l'auteur conclut son intrigue policière. Aglaëe Boulu réunit alors tous les suspects dans un champ et les fait asseoir sur des bottes de paille pour un déballage théâtral, prélude en crescendo au dévoilement du coupable. En attendant, personne n'en sort grandi...
On sourit enfin à certains aspects anecdotiques du roman, tels que ce serveur de bistrot qui vante un peu lourdement les produits proposés par l'établissement, ou Choupa, le chien de Delmare, qui se cherche désespérément un nouveau maître. Sans oublier, là encore de manière classique, un personnage de médecin légiste à l'humour macabre à l'épreuve des balles. Coup de chance pour le lecteur: Aglaëe Boulu elle-même ne manque pas de répondant.
Jérôme Sublon, Corps rouge dans le Vercors, Saint-Etienne, Editions du Caïman, 2018.
Le site des éditions du Caïman.
Egalement lu par Camille, Claude, Quatre sans quatre.