Alain Chassagneux – Il est un peu mystérieux, le début du livre "Feu de tout bois": quel est cet homme "libérable" que suit la narration? On le découvre bientôt: c'est Basile, l'aïeul du narrateur, qui n'est autre que l'auteur. Dans "Feu de tout bois", l'auteur ouvre la malle aux souvenirs et déroule une double histoire: celle de sa famille, intimement liée au travail du bois, et celle que nous connaissons, marquée par les deux Guerres mondiales du début du vingtième siècle.
Cette malle aux souvenirs s'avère pleine de documents que l'auteur évoque et commente longuement, en phrases volontiers lentes, soucieuses d'analyse, de détails voire d'exhaustivité. Il y a par exemple un livret de service usé d'avoir fait moult campagnes militaires ou des photos de classe où l'on retrouve les ancêtres, centrés à Gumières mais que la vie a amenés aux quatre coins de France pour exercer les métiers du bois.
Basile va accompagner le lecteur tout au long de cet ouvrage bref mais dense. Avec lui, c'est tout le métier du bois que l'on découvre au fil des pages. L'auteur partage un goût contagieux des mots du métier, souvent oubliés tant les professions du bois ont elles-mêmes évolué: du bois de chauffage, on passe au papier et même aux palettes de bois standardisées. Et les métiers sont le sciage, le dangereux schlittage, et bien d'autres encore.
Et au-delà du concret, c'est le monde des arbres et l'imaginaire du bois que l'auteur donne à voir. Bien sûr, le lien sera fait entre l'arbre généalogique et l'arbre qui donne du bois, entre la lignée et le lignage. Côté arbres, le lecteur redécouvre le robinier du square René-Viviani à Paris, un des plus anciens arbres de France. Et côté poésie, l'auteur ne manque ni de citer quelques vers, ni de mentionner la mémoire de l'ami Pinocchio.
Voyage foisonnant et documenté dans le bois comme dans l'histoire d'un terroir aux confins de la Loire, prolongement à plus d'un titre de "Gumières, vent arrière et vent de bout" du même auteur, "Feu de tout bois" apparaît comme un ouvrage littéraire hybride et délicieux, oscillant entre le roman, le témoignage historique et le récit familial. Le bois, indissociable de la tradition familiale de Basile et des siens, y trouve une place de choix et l'auteur lui rend un bel hommage.
Alain Chassagneux, Feu de tout bois, Caluire, Sous le Sceau du Tabellion, 2019. En guise de postface, deux lettres de Bernard Plessy.
Le site des éditions Sous le Sceau du Tabellion.