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lundi 8 mai 2023

Un livre à déguster un verre à la main...

Collectif – Par excellence, le recueil de nouvelles "Petites proses éthyliques" se déguste un verre à la main. Tout est né d'une initiative originale: quinze auteurs installés en Suisse romande ont reçu chez eux une bouteille d'une boisson alcoolisée, vin, bière ou spiritueux. Charge à eux d'écrire "avec" le breuvage, en le laissant résonner en eux plutôt qu'en en faisant une simple note de dégustation. 

Lus et dégustés dans un premier temps au Théâtre de l'Echandole à Yverdon (Suisse), ces courtes proses font désormais l'objet d'un recueil que tout lecteur peut savourer sans modération.

Il convient de préciser que les breuvages, si divers qu'ils soient, sont romands, et le plus souvent vaudois. Ce qui n'empêche pas les surprises: il y a des vins de cépage et d'assemblage, des bières de petite production, des produits de proximité, de l'absinthe et même de la vodka, bel et bien produite en Suisse.

Bière...

Si court qu'il soit, le recueil "Petites proses éthyliques" est donc divisé en trois parties qui ont toutes leur caractère propre – sans même, gageons-le, que les auteurs ne se soient consultés. Ainsi, les cinq nouvelles liées à la bière fleurent bon la liberté et, parfois, la jeunesse. 

On pense au gamin de 13 ans qui fait sa première fugue dans "Accord entre la bière et l'esprit" de Jean-Pierre Rochat, ou à "Archéologie du club imaginaire" de Thomas Flahaut – une nouvelle au parfum générationnel (comme s'il y avait un âge pour boire de la bière) qui, paradoxalement, met en scène un narrateur qui n'a pas bu sa bière. De Marie-Christine Horn, "Tanzanite" associe la bière à la moto, véhicule qu'on associe volontiers à une farouche liberté. 

Enfin, le lecteur amateur de mots recherchés (la liberté de l'écrivain!), écrits comme en état second, goûtera la saveur complexe de "Coup de sève" de Cédric Pignat. Et il y a énormément de tendresse dans l'habile tentative, essayée par Claire May dans "Ad Aeternam", de personnifier la cannette de bière qu'elle a reçue.

... vin...

"Qui sait déguster ne boit plus jamais de vin mais goûte des secrets", écrivait jadis Salvador Dalí. C'est ces secrets que partagent les écrivains dont le lot a été une bouteille de vin. Celle-ci les aura le plus souvent plongés dans un état qui favorise la narration d'histoires. 

Est-ce une surprise, pour ceux qui le connaissent? Dans "Totem Garanoir", c'est le chasselas qui devient le totem d'Alexandre Grandjean, écrivain friand de ce cépage. Corinne Desarzens, elle, sait surprendre avec "Squadra rouge cerise", texte gourmand qui plonge dans le monde du foot et des maillots rouges. Avec "L'Amertume", Frédéric Jaccaud glisse, comme le titre l'indique, une note d'amertume dans le recueil: le vin peut avoir un goût qui désarçonne. Est-ce un défaut du vin? La question est ouverte. 

L'expérience de dégustation se fait dansante avec "La Valse" de Valérie Gilliard, marquée par les vers de Baudelaire. Et enfin, c'est l'histoire de la bouteille elle-même qui constitue la trame de "Karma" de Lolvé Tillmanns – une trame qui esquisse avec le sourire les rapports qui s'installent entre la bouteille, le bouchon et le vin. Comme quoi, une bonne bouteille, c'est tout simple...

... spiritueux

Quant aux nouvelles consacrées aux spiritueux, elles font volontiers le choix de l'étrange et du rare: on ne boit pas tous les jours des boissons aussi fortes, et l'esprit se trouble tout particulièrement, ouvrant la porte à des ambiances oniriques. Avec la nouvelle initiatique "Mes douze yeux souterrains", André Ourednik donne le ton...

Le motif de la météo et des brumes est ainsi présent dans "Jussy Creek" de Florian Eglin comme dans "Au ban les brumes" de Marie-Jeanne Urech, un texte empreint de nostalgie et de saveurs de ripaille qui semble répondre à "La William's" de Raluca Antonescu, qui rappelle que les alcools forts sont aussi parfois une affaire familiale. Enfin, de la nouvelle de Maxime Maillard qui conclut le recueil, on retiendra les derniers mots, ceux qui peuvent éclairer tout le recueil d'un seul coup: "... cette chaleur qui rosit vos joues" – chaleur porteuse de joie, agréable et recherchée, née de tout alcool.

Enfin, il convient de relever la gouleyante préface de Thierry Raboud, qui rappelle en quelques exemples frappants, volontiers choisis dans le monde littéraire suisse, les rapports complexes entre les écrivains et l'alcool. Même la science en parle... Ce sont ces rapports que "Petites proses éthyliques" a voulu faire expérimenter à ses quinze écrivains. Et c'est réussi!

Collectif, Petites proses éthyliques, Vevey, Hélice Hélas, 2023. Préface de Thierry Raboud.

Le site des éditions Hélice Hélas.

4 commentaires:

  1. tiens comme ça ne me surprend pas ton accroche !!! mais ça me donne bien envie de déguster des papilles et des iris

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    1. Arf! En effet, il fallait y aller franco! C'est un petit livre fort délicieux à déguster.
      Bonne après-midi à toi!

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  2. Tu sais comment me parler :) !! J'adore l'idée!

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    1. Bonsoir Violette, à ta santé! Oui, cet ouvrage se déguste avec plaisir!

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