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mercredi 29 mai 2024

Enquête et silences autour d'un enfant adoptif du côté de Saint-Etienne

Maria P. Mischitelli – C'est le choc de quelques solitudes humaines dans les environs de Saint-Etienne que la romancière et traductrice Maria P. Mischitelli orchestre dans son premier roman policier "La solitude des Bois Noirs". Des solitudes d'autant plus étonnantes qu'elles ne devraient pas être: époux qui ne s'aiment plus guère, petit patron de bistrot au trop grand secret, silhouette glaçante derrière une fenêtre, et surtout celle d'un enfant adoptif, Ganymède, qui préfère parler aux arbres plutôt qu'à ses semblables. Comment s'est-il retrouvé dans le Forez? Le lieutenant Louatah mène l'enquête.

Il y a en effet plus d'un cadavre dans le roman faussement tranquille "La solitude des Bois Noirs". Le lecteur sera servi en ossements difficiles à identifier; il aura même droit à un cadavre humain empaillé, si bien naturalisé qu'on l'aura longtemps cru vivant, bloqué dans une immobilité imputée à un AVC sévère. Mais voilà: venu de la ville de Saint-Etienne, le lieutenant Louatah fait face aux lourds silences et aux réactions excessives qui protègent une vie villageoise et trahissent a contrario le fait qu'il y a quelque chose sous l'eau qui dort. L'auteure ne manque pas de relever, par ailleurs, les témoignages de racisme larvé dont le policier, pourtant beau gosse, fait l'objet.

Au cœur de l'intrigue, il y a donc Ganymède, ce jeune Noir adopté par un couple bourgeois en mal d'enfant – ce mal d'enfant masquant mal un manque de liant entre deux époux qui se sont éloignés l'un l'autre, Monsieur étant en particulier actif à son travail. Par quelques scènes judicieusement dessinées, la romancière dessine le destin d'un enfant adoptif qui n'arrive pas à trouver sa place dans la bourgade où il vit. Ses parents ne l'y aident guère, et les réflexions racistes dont il fait l'objet (et qui résonnent avec celles que subit Louatah) non plus. Résultat: Ganymède, officiellement ressortissant guinéen, préfère parler aux arbres et aux animaux sauvages. Et ceux-ci semblent lui répondre, lui soufflant la vérité sur son passé.

On se protège dans le village des Bois Noirs, au fil des silences, et Louatah aura fort à faire pour percer les secrets et mystères du cru. Cela vaudra bien quelques pizzas çà et là, y compris dans un établissement fictif de la rue de la Résistance à Saint-Etienne, où l'officier de police a ses entrées. L'écrivaine témoigne d'une belle tendresse pour ce personnage, dont elle prend soin de travailler les élans du cœur, pudiques mais indéniables: hétérosexuel (ça en devient une blague récurrente, malicieuse, avec un collègue masculin qui a son propre penchant), séduisant presque malgré lui, l'homme de police a bien quelques préférences. Cette enseignante rousse et avenante, peut-être? Ou cette patronne d'hôtel si prompte à mettre sa poitrine en avant? Ou la patronne de la pizzeria, si sourcilleuse quant à ses fréquentations qu'elle en paraît presque maternelle?

De Louatah, le lecteur aimera le goût marqué pour la musique, qui se traduit par l'envie constante de noter telle ou telle mélodie. De façon plus large, Louatah, capable de réciter des scènes entières du film "La Traversée de Paris", présente un tempérament artiste qui peut apparaître comme un atavisme puisque la romancière fait de lui le parent de l'écrivain stéphanois Sabri Louatah. Il n'en faut pas plus pour que cet enquêteur suscite la sympathie d'un lecteur qui va le suivre, tournant à la vitesse de l'éclair des pages colorées par quelques mots de parler gaga, jusqu'au bout de l'enquête... et d'une affaire de cœur prometteuse.

Maria P. Mischitelli, La solitude des Bois Noirs, Saint-Etienne, Editions du Caïman, 2023.

Le site des Editions du Caïman.

Lu par Froggy's Delight, Lee Ham, Marie 39.

4 commentaires:

  1. Une maison d'édition stéphanoise qui propose de bons polars parfois hors des entiers battus.

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    1. Bonsoir Alex! En effet, c'est du sérieux, du tout bon, et je le découvre peu à peu. Bonne fin de semaine à toi!

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  2. Bien que stéphanoise, je t'avoue à ma grande honte n'avoir jamais rien lu de cette maison d'édition qui propose souvent des titres qui me tentent, comme celui-ci. Merci pour ton avis sur ce roman dont le protagoniste me semble intéressant à suivre dans son enquête.

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    1. Bonjour Audrey, merci pour ton commentaire! :-) Je n'ai de loin pas lu tous les titres de cet éditeur, mais ce que j'en connais m'a à chaque fois réjoui. Je t'encourage donc à partir à la découverte du "Caïman"! Peut-être es-tu passée samedi à la Librairie de Paris à Saint-Étienne, où certains auteurs dédicaçaient sur fond de chansons interprétées en direct?
      Bonne semaine à toi!

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