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jeudi 29 octobre 2020

Une intrigue policière qui ne manque pas de sel, avec Marc Voltenauer

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Marc Voltenauer – Et voici une intrigue policière qui ne manque pas de sel! Le titre du roman «Les protégés de Sainte Kinga», quatrième opus du romancier suisse Marc Voltenauer, évoque le monde de la mine à travers les Salines de Bex, décrivant avec minutie une prise d'otages étonnante. Autant dire qu'Andreas Auer, policier récurrent des récits de l'auteur, a du pain sur la planche, et que son équipe va être au taquet pendant plus de 50 heures.

Les premières pages de ce roman pourront paraître un peu longues et didactiques au lecteur avide de rythme: l'auteur y prend en effet le temps de présenter le site des Salines de Bex et de rappeler telle ou telle légende qui les entoure, à l'instar de celle de Jean Bouillet, dit «Bracaillon». C'est pourtant dès ce début que l'auteur installe le motif de l'imaginaire du sel, constamment présent tout au long du livre. Cela, même s'il se fait discret pour laisser à l'intrigue la place qui lui revient de droit.

L'intrigue elle-même met en scène un preneur d'otage improbable, grimé en Charlot, qui joue son rôle jusqu'à être muet: il communique par écrit via sa tablette avec le négociateur de la police cantonale vaudoise, Bakary. Est-il seul? Quelles sont ses motivations? Ont-elles un lien avec les otages? Ceux-ci paraissent pour le moins hétéroclites: il y a là du personnel, une classe d'école et six membres d'un groupuscule d'extrême-droite. L'auteur jongle en virtuose avec ce petit monde, menant de front un propos qui fait alterner justice historique, lutte contre l'homophobie et recherche d'argent.

Le titre «Les protégés de Sainte Kinga» fait référence à la sainte patronne des mineurs, vénérée en Pologne, un pays qui joue son rôle dans l'intrigue. Il est à relever qu'un des personnages se nomme également Kinga, comme en écho: en sa qualité de jeune équipière d'Andreas Auer, c'est en quelque sorte sous sa protection que les otages pris au piège dans la mine se trouvent. La présence d'une sainte dans le titre fait en outre référence à quelques allusions religieuses, présentes tout au long du roman – et la Fraternité sacerdotale Saint Pie X n'est que l'une d'entre elles.

On aurait pu craindre, en lisant le début de cet ample roman, une intrigue manichéenne où un gentil gauchiste vient mater les méchants fascistes. Il n'en est rien: en mettant en scène un preneur d'otage exalté, l'auteur interroge les limites de ce que l'on est en droit de faire pour rétablir la justice telle qu'on la conçoit. Peut-on aller jusqu'à faire justice soi-même, à tuer, à passer en somme du côté obscur? Ce questionnement affleure de temps à autre, par exemple au moment de l'amère dernière page, ou par le biais des commentaires de la prise d'otage publiés sur les réseaux sociaux – ceux-ci sont en effet très vite au courant, par la grâce d'une presse aux aguets.

Foisonnant, tendu dès lors qu'il entre dans le vif de son sujet, le quatrième roman mettant en scène Andreas Auer offre également un éclairage précis du fonctionnement de la police cantonale vaudoise en cas de situation exceptionnelle. Les aspects techniques et procéduraux sont détaillés avec rigueur, mais l'auteur n'oublie pas l'état d'esprit de ses personnages, tous empreints d'une profondeur qui les rend humains, palpables, qu'ils soient anges ou démons... ou les deux. 

Et comme l'écrivain n'oublie pas ses amis et collègues en écriture, il va jusqu'à indiquer que l'un de ses personnages a lu tous les romans de Nicolas Feuz. Un clin d'œil amical en retour: dans «L'engrenage du mal», son dernier roman paru il y a quelques mois, l'auteur neuchâtelois Nicolas Feuz a lui-même placé un roman qui a lu tous les romans de Marc Voltenauer... 

Marc Voltenauer, Les protégés de Sainte Kinga, Genève, Slatkine & Cie, 2020.

Le site de Marc Voltenauer, celui des éditions Slatkine & Cie.

Lu par BadgeeketteCatherine, MHFOgrimoire, Real Potato GeekSam.


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