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jeudi 19 septembre 2019

Sylvie Zaech, des "Intouchables" à Central Park aux amours retrouvées dans le Vaucluse

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Sylvie Zaech – Difficile de ne pas penser à "Intouchables", ce film avec Omar Sy et François Cluzet, lorsqu'on découvre la scène initiale de "Je pars demain" de Sylvie Zaech. Ce roman s'ouvre en effet sur la vision de deux personnages que tout semble séparer et que les circonstances rapprochent forcément: un danseur âgé devenu solitaire nommé Côme, cloué pour l'heure dans un fauteuil roulant, et un soignant, David, qui l'assiste.


Tout le début de "Je vais partir" se concentre dès lors sur la relation entre le soignant et l'artiste, avec ce qu'elle a de particulier et de complexe: elle s'avère à la fois cordiale, amicale et strictement professionnelle. Chacun paraît donner ce qu'il a, et cela peut convenir, peut-être: David s'avère un coach de première force, et Côme s'ingénie à partager un brin de culture avec lui. A un moment donné, les rôles paraissent même se confondre, voire s'inverser: alors que l'auteure écrit "Il (David) passait souplement de la cuisinière à l'évier, des assiettes aux couverts.", le lecteur a le droit de se demander qui est le plus danseur des deux.

Reste que "Je vais partir" est aussi le roman, certes court donc parfois esquissé de façon trop rapide, d'une lutte contre le corps, ce corps de Côme qui refuse d'obéir mais que tels efforts du danseur et de David vont peu à peu réveiller. Cet éveil du corps fait écho à la résurgence des souvenirs: Côme est un danseur français, né au sud du pays, qui a fait carrière à New York où il a trouvé sa femme Marylou, fort loin de ses racines.

La romancière évoque par touches la vie de bohème qui a caractérisé les débuts de Côme le danseur, une période traversée par des artistes tels que Jackson Pollock, Mark Rothko, Robert Rauschenberg ou, c'est important, Edward Hopper. C'est un monde de pauvres, qui essaient de placer leurs travaux en attendant la gloire – qui viendra, pour Côme et pour les trois premiers artistes cités. Quant à Hopper, la romancière indique qu'il est déjà connu et qu'il se compromettrait en signant une affiche pour un danseur qui vivote au fil de projets difficiles. Est-ce à dire qu'il y a une hiérarchie entre les artistes? En dessinant les interactions entre ses personnages, réels ou fictifs, l'auteure le suggère – sans juger.

Et puis, il y a ce retour des Etats-Unis en France, ce retour aux racines, qui donne son sens au titre du roman. Cela vient de loin: Côme quitte progressivement son fauteuil roulant, ses béquilles, son mentor, pour marcher de ses propres forces et retrouver une nouvelle vie à l'aube de ses quelque 80 ans – et gagner une troisième dimension. Il aborde même un autre art, celui de la peinture. On relève que l'auteure ne manque pas de dire les souvenirs d'antan et les ressentis d'aujourd'hui de Côme, en des passages introspectifs rédigés à la première personne et en italiques. Ces passages accompagnent cette transformation en lui offrant la profondeur qui la rend crédible.

Et de façon classique, il ne manque qu'un amour de jeunesse, retrouvé dans les profondeurs du grand âge et fugitivement vécu alors que la camarde veille, pour parachever le récit de la destinée de Côme – et c'est Magali, qui porte un beau prénom qui fleure bon le sud de la France, qui s'y collera. À l'extrême automne de sa vie, elle retrouve un homme qu'elle a sincèrement aimé et qui a beaucoup reçu de la vie: une belle carrière, des amours vraies et une chance de se racheter, et même du soutien lorsque sa santé chancelle et que sa vie sociale de danseur descendu des scènes internationales s'appauvrit. Et voilà que, destin oblige, il revient vers elle, de loin...

A quoi bon aller chercher la gloire à New York alors que l'amour se trouve à Sault, dans le Vaucluse? Entre ce que la célébrité internationale peut offrir de beau et de superficiel et ce qu'un village de province propose d'à la fois essentiel et emprisonnant, l'écrivaine ne choisit guère. Avec Côme, elle met en scène un personnage qui a eu la chance d'apprécier tout cela et de faire le grand écart entre le petit village et la grande ville, et de s'en trouver bien. Pas mal pour un danseur qui a dû lutter pour quitter sa chaise roulante...

Sylvie Zaech, Je pars demain, Gollion, InFolio, 2019.

Le site des éditions InFolio.

2 commentaires:

  1. Belle chronique ! tu me donne envie de découvrir ce livre qui pourrait bien me plaire.
    Merci pour la découverte,
    Bonne journée !

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    1. Je t'en souhaite une belle découverte! C'est un roman court, écrit en chapitres courts, qui se lit bien. Bonne journée à toi!

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