Pages

mardi 3 janvier 2017

Sébastien Bouchery, jeux de masques autour d'une vie dans un livre

Retrouver sa propre vie dans le livre qu'on lit: l'idée n'est pas totalement nouvelle, puisqu'elle constitue le point de départ du roman "Jolie libraire dans la lumière" de l'écrivain belge Frank Andriat - pour en citer un avatar récent. L'écrivain et éditeur ligérien Sébastien Bouchery utilise cet élément comme coeur de son roman "A huis clos dans un cercueil de verre", paru au Canada en 2015. Fidèle à lui-même, c'est un thriller bien captivant, rapide et trépidant, qu'il offre ici à son lectorat.

L'auteur a mis pas mal de lui-même dans cet opus. Comme lui, son personnage principal est un éditeur, capable de déceler l'intérêt et la singularité d'un manuscrit. Et justement, comme une mise en abyme, le titre du roman est aussi celui d'un manuscrit qui va jouer un rôle clé dans "A huis clos dans un cercueil de verre". Plus original, l'auteur a choisi de donner à ses personnages le nom de ses amis. Le lecteur tiers, celui qui ne compte pas au nombre des intimes, sera peut-être peu réceptif à cette approche amicale exclusive; gageons en revanche qu'il sourira aux noms parfois surprenants de certains des copains de l'auteur, ou en imaginant les impressions de ces amis ainsi introduits dans un roman, avec leur consentement, certes, mais dans des rôles pas toujours glorieux.

"A huis clos dans un cercueil de verre" est un ouvrage où les masques tombent tour à tour, où les amis ne sont pas ceux que l'on croit. Surtout, c'est un roman où les retournements de situation et les coups de théâtre sont légion, surprenant sans cesse le lecteur après un point de départ faussement calme où se mettent en place les points clés du récit: l'éditeur, veuf avant l'âge, devient maire de sa petite ville et prend sa mission au sérieux, sa fille disparaît dans des conditions étranges lors d'un week-end au vert, et la police s'en occupe à sa manière. Faut-il faire confiance à tout cet entourage apparemment bien sous tous rapports? Quels sont les vrais alliés au sein du conseil municipal? Et surtout, qui a écrit le mystérieux manuscrit où l'éditeur semble se reconnaître à chaque page? Tout s'effrite peu à peu, les traîtres se dévoilent, et le lecteur se sent délicieusement déstabilisé. Qu'on y pense: l'auteur arrive même à ressusciter les morts, et même si le lecteur n'exclut pas d'emblée une astuce de ce côté-là, il y croit.

Les morts, justement... dans ses précédents romans, tels "Raklur" ou "Ma vie avec la mort", l'auteur aimait mettre en scène des tueurs cruels qui n'attendent pas pour agir. Dans "A huis clos dans un cercueil de verre", les scènes sanglantes se font attendre, mais c'est une bonne chose: ici, l'auteur fait doucement monter la tension, tout en finesse, et emmène le lecteur avec lui dans ce crescendo. Les ingrédients viennent peu à peu peser sur les épaules du petit maire: les projets routiers d'envergure nationale, la mafia ukrainienne qui s'en mêle, les péripéties à Strasbourg puis à Paris. Cela, jusqu'à un final doux-amer fondé sur des effets solides et éprouvés qui montrent, jusqu'à la dernière page, que dans "A huis clos dans un cercueil de verre", les apparences sont toujours trompeuses.

Sébastien Bouchery, A huis clos dans un cercueil de verre, Montréal, Les Editions de la Semaine, 2015.

2 commentaires:

  1. je ne connais pas du tout cet auteur mais il m'intrigue...

    RépondreSupprimer
  2. Merci de votre visite par ici! :-)
    C'est un bon auteur de thrillers français, que je suis avec plaisir.

    RépondreSupprimer

Allez-y, lâchez-vous!