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mercredi 7 août 2024

Simon Sebag Montefiore: devenir Staline

Simon Sebag Montefiore – En voilà une biographie qui se lit comme un roman! "Le Jeune Staline" relate les débuts d'un certain Joseph Vissarionovitch Djougachvili, depuis ses débuts tumultueux au fin fond de la Géorgie, jusqu'à la révolution d'octobre 1917. Et il ne faut pas moins de 760 pages bien fouillées pour voir naître l'un des chefs d'Etat les plus marquants du vingtième siècle.

En effet, si Staline, alias Sosso, prend au fil des pages de cet ouvrage une épatante épaisseur, c'est que l'auteur s'est documenté et a su puiser à des sources rares, voire inédites, en particulier les Mémoires de l'entourage de Staline. Il a également eu l'occasion d'approcher des témoins vivants de l'objet de son étude et de s'entretenir avec eux. Enfin, il a pioché dans des documents officiels enfin rendus publics, tant en Russie qu'en Géorgie.

L'objectif? L'auteur s'en ouvre dès le début: son projet est de retrouver la vérité sur Staline, entre la légende dorée, nécessairement déformée, qu'il a su forger, si nécessaire en éliminant les gêneurs, et la légende noire, pas forcément plus véridique, qu'ont su construire ses opposants. L'exercice prend la forme d'un jeu d'équilibre que l'historien mène avec précision, allant jusqu'à citer ou à recréer des dialogues rares et à mettre au jour telle ou telle mentalité. C'est que Staline n'est pas seul... et son entourage (on y voit des noms comme Lénine, Beria, Kamo, mais aussi sa mère, Keke, et son père cordonnier alcoolique, Besso, et enfin les femmes de Soso, avec lesquelles il entretient des relations tortueuses) a toute l'attention de l'auteur aussi.

Le lecteur découvre ainsi un Staline au tempérament de chef inné, meneur de gangs dans la petite ville géorgienne de Gori où les bagarres entre clans de rue sont endémiques à la fin du dix-neuvième siècle. Il découvre aussi en Staline, alias Sosselo pour le coup, un poète suffisamment charmeur et coté pour réussir à s'assurer le soutien de quelques personnes clés, par exemple tel collaborateur d'une banque qui fera l'objet d'un hold-up sanglant survenu en 1907 à Tiflis (aujourd'hui Tbilissi), relaté en prologue. 

L'auteur ne manque pas de relater par le menu le passage de Staline au séminaire, ni ses activités de noyautage des lieux: premier de classe, très attaché à ses lectures qui font de lui un bel autodidacte, Staline est aussi une forte tête intenable. C'est avec le même souci du détail que le biographe relate la vie d'errance d'un Staline vivant aux crochets d'amis et d'alliés de circonstance, voyageur parfois malgré lui (il a été déporté en Sibérie à plus d'une reprise, et s'est évadé à chaque fois), et homme à (parfois très jeunes) femmes.

Par moments, l'ambiance est celle d'un film de gangsters mexicains, et l'auteur l'assume. Loin de lui, cependant, l'idée d'en faire un desperado romantique: collant au plus près de la réalité, convoquant la petite histoire et les anecdotes, il en brosse un portrait réaliste, aventureux mais pas sympathique pour autant, même s'il le nomme parfois par son surnom de "Sosso": on ne voudrait guère d'un tel personnage comme chef d'Etat aujourd'hui, en tout cas par chez nous.

Enfin, à la lumière des sources explorées, l'auteur considère que Staline n'a pas été, contrairement à une rumeur tenace, un agent double de l'Okhrana, police secrète du tsar. Il évoque aussi le passage de Staline à Vienne, peut-être le moment où il a été physiquement le plus proche de l'autre personnage clé de l'histoire européenne du vingtième siècle: Hitler. Les deux chefs d'Etat, en effet, ne se sont jamais formellement rencontrés, mais l'hypothèse qu'ils se soient croisés à Vienne sans se voir est parfaitement plausible pour l'historien: ils y étaient au même moment et hantaient à peu près les mêmes lieux.

On a envie de connaître la suite au terme de cette lecture, et ça tombe bien: l'auteur l'a écrite, sous le titre "Staline. La Cour du Tsar rouge". De la lecture de l'ouvrage "Le Jeune Staline", le lecteur retient la relation très détaillée, foisonnante même, des débuts d'un personnage politique qui est aussi un parfait ruffian, capable de théoriser ses activités aux limites de la légalité par ce qu'écrivit Karl Marx, sur le fond d'un tsarisme en perte de vitesse qui prendra fin, en Russie, dans les soubresauts de l'année 1917.

Simon Sebag Montefiore, Le Jeune Staline, Paris, Calmann-Lévy, 2008/Le Livre de Poche, 2010, traduit de l'anglais par Jean-François Sené. Complété par un cahier de photos.

2 commentaires:

  1. On, mais je viens de voir que ce Livre de poche compte 788 pages! Une bonne grosse lecture donc, et un billet qui peut tout à fait se faire référencer dans les challenges estivaux: Les épais de l'été 2024 (à partir de 650 pages) chez dasola, et/ou Les paves de l'été (500 pages minimum) chez Sibylline...
    Si le coeur vous en dit, il vous suffit de rajouter dans votre billet logos et liens, et de le signaler par un commentaire sous nos pages récapitulatives respectives...
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. Merci pour ces tuyaux, Tadloiducine! Je n'ai guère suivi les défis de l'été. Peut-être une autre fois? A bientôt en tout cas!

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