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mercredi 13 décembre 2023

Quatre personnages en quête d'un second souffle

Florian Sägesser – Quatre personnages se retournent sur une vie qui, pourtant, continue. Trois hommes, une femme. "L'impasse des Bons enfants" les cueille à un moment où, tous, ils ont partie liée et où se dessine pour eux une évolution résultant d'un épisode particulier: le moment où il faut un second souffle pour continuer.

Le lecteur est invité à faire la connaissance de Vincent, Huguette, Tristan et Albert, des personnages que l'auteur a travaillés en profondeur jusqu'à les rendre familiers. S'aimeront-ils mieux au terme du roman, auront-ils fait le deuil de leurs fantômes et aplani les aspects boiteux de leurs vies? Le motif du miroir et de l'effet que ça fait de s'y regarder est récurrent: aimeront-ils davantage s'y voir une fois dite la dernière phrase du livre?

Le ton est donné avec le personnage de l'infirmier Vincent, dit "Van Gogh" parce qu'il peint et parce qu'il vit, plutôt mal, le fait d'avoir une oreille déformée à la suite d'un accident. D'emblée, l'auteur dessine pour lui un parcours de vie sinueux, marqué par une paternité pas vraiment souhaitée mais qui le comble, résultat d'une nuit d'amour avec une femme pour laquelle il n'avait aucun projet de vie commune. 

Le lecteur découvre aussi la famille Grand (bonjour les jeux de mots révélateurs!), à savoir Tristan, le fils, et Albert, le père. L'auteur excelle à dessiner une relation d'abord conflictuelle, qui finit par se résoudre pour autant que les deux personnages acceptent de se parler un peu. Albert est un boucher qui a dû céder son affaire, et Tristan, à la recherche de reconnaissance, se lance en politique. Dans les deux cas, des blessures sont à résorber. 

Quant à Huguette, elle n'aura guère vécu d'amours, et aura consacré sa vie à un hôtel dont elle a été la gérante. Un accident domestique dont elle réchappe comme par miracle la fait entrer en contact avec les trois autres personnages et lui permet d'apporter sa touche à leurs existences – touche sentimentale, mais aussi coup de pouce lorsqu'il s'agit d'avancer, de trouver de nouveaux équilibres.

Ces quatre personnages, l'auteur les caractérise avec succès: jamais ils ne paraissent interchangeables. Sans que le roman ne perde en cohésion, l'auteur leur donne une voix bien à eux: pratique et simple pour l'infirmier Vincent, légèrement précieuse et recherchée pour la littéraire Huguette, presque martiale et pétrie d'injonctions à soi-même pour un Tristan qui cherche à se donner confiance, et nourrie de mots bien vaudois pour Albert, qui paraît ainsi populaire et proche du lecteur.

Vaudois? Là se place le point d'équilibre entre le régionalisme, qui signerait un ancrage local excessif, et la volonté de dire des ressentis universels. Alors oui, Albert en particulier "sonne" vaudois, et certains de ses mots ont peut-être trouvé place dans le lexique du site qui cause vaudois. Mais l'auteur a la sagesse de ne jamais citer la ville où évoluent ses personnages. On pense à Vevey, à Montreux, voire à d'autres cités lémaniques de quelque importance, mais il est impossible de trancher. Cela, afin de faire primer l'universalité de son propos et d'échapper à l'emprisonnement dans un terroir donné.

Car c'est d'humains qu'il s'agit, et peu importe, au-delà d'un certain seuil, le terroir où ils sont ancrés. Troisième roman de son auteur, "L'impasse des Bons enfants" est un ouvrage fortement psychologique, nourri de flash-back. Sa richesse réside dans le vécu de ses personnages et dans la manière dont les frustrations, les rancœurs refoulées et les aspirations jamais éteintes s'entrechoquent et font émerger de nouvelles voies pour la vie, pour peu qu'on y travaille. Y travailler? La vie s'en charge...

Florian Sägesser, L'impasse des Bons enfants, Lausanne, BSN Press, 2023.

Le site des éditions BSN Press.

2 commentaires:

  1. Les personnages semblent sonner vrais et particulièrement bien travaillés...

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    Réponses
    1. Bonsoir Audrey! En effet, c'est réussi de ce côté-là - bravo à l'auteur, qui n'avait pas le droit à l'erreur pour décrire ses personnages, et ça n'a rien d'évident. C'est un petit roman réussi, à découvrir!
      Bonne fin de semaine à toi!

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