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samedi 4 novembre 2023

J'ai reçu Patate en héritage...

Marie Beer – L'heure est grave: à la suite du décès de Kob, le narrateur se retrouve nanti sans trop le vouloir d'un chien au caractère aléatoire qui bave partout. Il est permis de penser au cocasse "Un chien de saison" de Maurice Denuzière, avec son boxer bringé encombrant mais si attachant, lorsqu'on ouvre le dernier roman de Marie Beer. Mais par-delà la bestiole, c'est toute une société que l'écrivaine met en scène dans "Patate chaude", avec ses contraintes et ses convictions qui peinent à infuser.

Tout commence lorsqu'un gars sans profil hérite, bon gré mal gré, du chien du meilleur ami de son frère – une chienne en fait, la fameuse Patate, omniprésente dans "Patate chaude". Le narrateur ne s'en amuse guère, mais il se débrouille au jour le jour, faisant appel à son frère et aussi à sa grand-mère, qui le loge parce qu'il est au chômage et fait semblant de monter une start-up. D'emblée, le lecteur se régale en lisant les dialogues ciselés qui ont permis à Diane, une amie déterminée, de fourguer le chien au narrateur. 

Oui, les mots sont importants dans "Patate chaude", et on le conçoit dès ce titre à double sens: littéralement, Patate est la bestiole dont personne ne veut, l'animal domestique dont Kob n'a pas réglé le sort avant de se donner la mort – c'est du moins ce que l'on peut penser au début du roman. On sent d'ailleurs que la romancière a su recréer astucieusement les moments clés que vit le nouveau propriétaire d'un chien: comment le dresser, l'habituer à un nouveau mode de vie, et comment entendre les commentaires de tiers?

Dans une volonté sans cesse renouvelée d'amuser le lectorat, l'écrivaine joue avec bonheur des quiproquos et des incompréhensions entre les uns et les autres, jusqu'à l'absurde. On le comprend au fil des pages: la famille du narrateur raconte parfois n'importe quoi, tout en recourant à quelques tics de langage que le lecteur reconnaît avec gourmandise et qui, trop souvent, empêchent tout dialogue. Bref, ça disjoncte un peu.

Les mots s'entrechoquent jusqu'à la scène finale, lorsque sont réunis le notaire (normalement élégant), le narrateur et son frère (deux infréquentables), le chien et le père de Kob, présenté comme très bien sur lui jusqu'à l'écœurement. Et tout se termine avec un testament qui permet à l'auteur de boucler son histoire déjantée de manière possiblement concordante, quitte à forcer au moins l'un des personnages: chacun se trouve ici piégé entre la légalité stricte et l'aspiration à la liberté et à l'individualisme.  

Et qu'en est-il de la manière de raconter cette histoire de chien qui cherche un foyer comme un roman cherche ses lecteurs? Elle est drôle et sarcastique, en plus d'être efficace: le narrateur est un chômeur blasé et pas très recommandable, et son frère n'est pas bien mieux. L'écriture s'inscrit donc dans le registre familier et oral, nettement abrasif. Cela vaut son pesant d'humour, mais aussi de réflexion sur les tics de langage et les méthodes de défense que la parole recèle lorsqu'on est en présence d'un autre qu'on n'aime pas forcément mais avec lequel il faut bien vivre.

Marie Beer, Patate chaude, Genève, Editions Encre fraîche, 2023.

Le site des éditions Encre fraîche.

Lu par Francis Richard, MonaLireRebecca.

6 commentaires:

  1. Le satyre de la société présenté dans ce roman est d’une justesse incroyable. Tout de bon pour les prochains romans de Marie Beer

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    1. Bonjour, Moi, qui êtes-vous? Bienvenue par ici!
      En effet, il y a aussi une vigoureuse satire sociale, avec des gens obligés de se frotter les uns aux autres et des clashes réguliers. Un roman qui bouge!
      Bonne journée à vous, Moi!

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  2. ça a l'air drôle et original, donc tout pour me plaire...

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    1. Bonjour Violette! Oui, c'est drôle! A découvrir donc. Bonne semaine et bonnes lectures à toi!

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  3. ça a l'air savoureux comme lecture !

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    1. Bonjour Audrey! Oui, savoureux, drôle et même un poil (!) sarcastique... Bonne journée, bonnes lectures à toi!

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