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mercredi 14 juin 2023

Sandrine Perroud, le temps d'un deuil atypique

Sandrine Perroud – La couverture du roman "Les esprits" de Sandrine Perroud pourrait laisser croire à un ouvrage de type feel-good. Il n'en est rien: c'est le récit d'un deuil atypique que l'auteure relate, celui d'une jeune femme, Mélanie, dont les parents ont décidé de mourir ensemble avec l'organisation Exit, spécialisée dans le suicide assisté. Et s'il y a un cappuccino sur l'image de couverture, c'est parce que c'est dans un café lausannois, le Bleu Lézard, qu'elle travaille.

Tiers lieu majeur du roman, ce café constitue aussi une sorte de bulle protégée où Mélanie s'abîme dans son travail et semble vivre une parenthèse post-baccalauréat. Cet aspect de bulle protégée est souligné par la description qu'en fait l'auteure: présenté comme un tea-room fréquenté par des personnes âgées ou habituées, l'établissement est resté dans son jus, ancien jusqu'à l'anachronisme. C'est pourtant aussi un lieu hanté par quelques fantômes – ces fameux esprits évoqués dans le titre.

A commencer par les parents de Mélanie, justement. Le chapitre 1 est conçu comme une exposition qui pose, de manière claire et classique, les enjeux du roman. Dès lors, comment vivre avec le fait que la mère de Mélanie, pourtant en bonne santé, ait décidé de partir pour un monde meilleur en même temps que son mari, atteint d'un cancer incurable? En regard de ce que vit Mélanie, le lecteur observe Christiane et Christian, ses tante et oncle, qui la soutiennent à leur manière.

L'auteure laisse le travail de deuil faire son œuvre sur Mélanie, avec des non-dits, des moments de révolte ou d'abattement, d'incompréhension aussi. La narration, faite de mots simples, s'avère délicate et juste, sans apitoiement. L'écriture permettra cependant à Mélanie de remonter la pente. Et certaines circonstances lui permettront aussi de verbaliser ce vécu singulier.

Et les autres esprits? Le lecteur les découvre peu à peu. Il y a par exemple David, certes vivant mais frère survivant d'un jumeau disparu, qui se pointe au Bleu Lézard précisément lorsqu'une célébrité s'éteint, par exemple Johnny Hallyday – ou la version papier du journal lausannois "Le Matin", centre de l'attention des lecteurs présents au café: c'est avec une certaine malice que l'auteure relate le manège qui s'organise autour de ce canard. Quant à David, la romancière dessine de lui le portrait d'un personnage d'apparence facétieuse.

Dominé par une certaine gravité sans pour autant être plombant, respirant grâce à des chapitres courts, "Les esprits" laisse le souvenir d'un court roman qui sonne juste et relate l'histoire d'une jeune femme qui, peu à peu, va retrouver après un processus de deuil de trois ans le chemin vers le grand bain de la vie au travers d'études qu'elle a enfin la force d'attaquer. C'est aussi un ouvrage qui évoque plus d'un destin individuel dans sa singularité: personnages du café, famille... "Et elle, quelle était son histoire?", s'interroge ainsi Mélanie en observant celle qui lui a succédé au Bleu Lézard.

Sandrine Perroud, Les esprits, Vevey, Editions de l'Aire, 2019.

La page de Sandrine Perroud, le site des éditions de l'Aire.

Egalement lu par Francis Richard.

2 commentaires:

  1. Pourquoi pas, le sujet et ce qu'en font les auteurs m"interroge.

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    1. Bonjour Alex! Oui, c'est un court roman sensible et fin, qu'il vaut la peine de découvrir.

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