Sonja Delzongle – Je suis facilement attiré par les livres qui portent des titres identiques, écrits par des auteurs différents. Gageons du coup que si je n'avais pas lu l'excellent roman "Dust" de Gwénaëlle Kempter, je ne serais jamais venu au "Dust" de Sonja Delzongle. C'eût été dommage: avec "Dust", Sonja Delzongle signe un polar travaillé, glaçant dans ce qu'il donne à voir sans fard ni complaisance, dans le contexte rare de la police kényane.
C'est là qu'intervient la profiteuse française Hanah Baxter, mandatée pour donner un élan décisif à une enquête où la police piétine. Un regard extérieur assumé, non sans heurts: l'auteure ne manque pas de montrer, par les actes, les difficultés de Baxter à trouver sa place dans une équipe d'agents en place depuis longtemps, avec ses figures et ses baronnies, ses travers machistes aussi, placée sous la conduite de Ti Collins. Le lecteur apprend qu'il y a déjà eu une enquête où Hanah Baxter et Ti Collins ont collaboré.
Hanah Baxter est elle-même un personnage atypique, qu'on sent torturé: passé et présent sentimental (elle est attirée par les femmes), consommation de cocaïne. Surtout, elle fonctionne beaucoup à l'intuition et ses qualités de médium, matérialisées dans le roman par le pendule "Invictus", ont de quoi surprendre un lecteur plutôt habitué à des enquêtes où la raison prime, même si elle se fonde sur le flair.
Une enquête qui piétine? C'est celle qui tourne autour de ces croix de sang qui, périodiquement, apparaissent dans la poussière du sol kényan. Sang humain, sans cadavre à proximité. L'auteure démarre son récit au moment où l'enquête se débloque et en suit l'avancement, de façon minutieuse. Ce faisant, elle dévoile peu à peu le drame des enfants albinos du Kenya, traqués, tués et démembrés parce qu'ils sont supposés porter chance. Ici, ils sont même réduits en poudre... de perlimpinpin.
La romancière trouve le moyen d'offrir un regard large sur la condition des personnes albinos en faisant un lien avec le nazisme, qui s'en serait servi, lui, pour essayer de créer une chimérique race aryenne pure. De quoi suggérer qu'historiquement en tout cas, n'y a pas qu'au Kenya que les albinos ne sont pas en sécurité.
L'auteure excelle à installer une intrigue qui fiche le frisson. Surtout, son récit est porté par un climat de lourde méfiance envers les personnages: secondaires ou principaux, tous peuvent être du côté obscur de la force et plus que jamais, le lecteur va chercher ce qu'il y a au-delà des apparences. Dès lors, les surprises sont au rendez-vous. Elles sont le moteur de quelques retournements de situation efficaces.
"Dust", c'est à la fois la poussière d'albinos et la poussière du sol kényan, celle dans laquelle le sang des victimes s'incruste et se dessèche. C'est aussi la poussière des morts de la misère et du crime en général. Et c'est aussi le surnom donné à l'un des coupables, le processus de révélation allant crescendo jusqu'à l'insoutenable révélation finale. Celle-ci trouvera un contrepoint apaisant avec l'évocation de "La Ferme africaine" de Karen Blixen, qui permettra à Hanah Baxter de retrouver une certaine sérénité. Et au lecteur de se reposer après un roman âpre et sans concession.
Sonja Delzongle, Dust, Paris, Folio Policier, 2015.
Le site de Sonja Delzongle, celui de Folio Policier.
J'avais aimé ce premier volet, mais moins la suite.
RépondreSupprimerMerci pour l'info, Alex! Je verrai donc si je tenterai à nouveau ma chance.
SupprimerJe te souhaite une excellente semaine!