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lundi 22 août 2022

Marie Vareille, pour que la vie ait un peu plus de goût

Marie Vareille – Ce qui s'impose d'entrée de jeu dans le roman "Ma vie, mon ex et autres calamités" de Marie Vareille, c'est le thème réconfortant de la bouffe. Constamment, les personnages se montrent attentifs à ce qu'ils mangent, et l'on salive rien qu'à penser à la boutique de la mère de Chiara qui, tenant boutique à Paris, vend du bon jambon en provenance directe d'Italie. Cela, sans compter le tropisme culinaire de Juliette, licenciée d'une sorte de bullshit job aride et administratif à la suite d'une affaire foireuse (le lecteur s'offusque tout de suite, là...) de factures non conformes.

Mais prenons les choses dans l'ordre. Donc, Juliette est le moteur de "Ma vie, mon ex et autres calamités". Licenciée par son employeur, elle se fait de surcroît lâchement plaquer par Nicolas, cet étudiant en philosophie qu'elle soutient parce qu'il est, apparemment, l'homme de sa vie. Et voilà: en voulant récupérer ce Nicolas qui n'en a que pour Caroline (ça sonne un peu pareil, d'ailleurs – à l'envers, en secouant un peu, essayez!), Juliette va foncer aux Maldives, à sa poursuite. Et revisiter sa jeune vie d'un œil critique.

C'est là que le lecteur comprend qu'il est embarqué dans un roman feel-good qui illustre à merveille l'idée qu'à sa mesure, chacun doit sortir de sa zone de confort pour mieux s'accomplir et réaliser ses rêves. C'est un peu convenu comme philosophie, mais dès lors qu'il s'agit de la mettre en scène, force est de relever que l'écrivaine se révèle brillante en alternant l'ordinaire et l'exceptionnel. Sortir de sa zone de confort, en effet, c'est surmonter sa peur de l'avion (pour traquer l'ex jusqu'aux Maldives), aller au-delà du côté piquant d'un voyageur dans l'avion (Mark, diablement sexy et diablement corrosif) pour voir ce qu'il a dans le bide, surmonter la crainte du banquier (chômeuse, Juliette n'a pas un sou d'avance) et même nager avec des requins. 

Dès lors, le tour aux Maldives, touristique s'il en est, dans un genre finalement très ordinaire, prend pour Juliette les apparences d'un voyage initiatique qui va la remuer jusqu'au tréfonds. Le lecteur voit ce personnage évoluer, et se surprend bien entendu à se demander comment elle peut encore avoir envie de vivre avec Nicolas, un personnage falot qui se permet de la tromper – sa seule circonstance atténuante étant qu'il a tapé dans l'œil d'une grande amie d'enfance – alors qu'elle va jusqu'à financer sa thèse à la sueur de son front, mobilisée par la chimère d'un possible mariage.

Côté mec, le personnage de Mark apparaît rapidement, aux yeux du lecteur, comme le remplaçant goûtu de Nicolas dans les bras, le lit et l'état-civil de Juliette. Il y a quelque chose de Rhett Butler dans ce personnage assertif, entrepreneur financièrement et symboliquement à l'aise, capable de mettre gentiment quelques claques morales à une Juliette qui, en tout cas en début de roman, paraît plutôt prompte à courir après le rêve fadasse d'une vie sans surprise avec son thésard qui la trompe avec sa clique de barbus qui se piquent de penser.

Et la bonne bouffe, alors? C'est elle qui dénoue "Ma vie, mon ex et autres calamités" car c'est grâce à elle que Juliette va réaliser son rêve inavoué, qui se confond avec un métier porteur de sens: nourrir son monde et lui faire plaisir. Les personnages secondaires finiront aussi par trouver leur voie, en particulier Chiara, la séductrice italienne (et la meilleure amie de Juliette, un rôle révélateur indispensable) qui finit dans les bras d'un gynécologue aux complets gris qu'elle aime passionnément. 

Pour ne rien gâcher, "Ma vie, mon ex et autres calamités" est porté par une écriture pétillante, bourrée de petits jeux de mots et de comparaisons malicieuses – sans compter les scènes cocasses comme le moment où Juliette visite une agence de voyages tout heureuse d'avoir enfin de la clientèle à lessiver. Cette écriture sert à la narration de l'histoire aux couleurs exotiques d'une Juliette qui identifie une nouvelle route rêvée dans sa vie, modeste mais satisfaisante (aurea mediocritas, disait-on naguère...), et, à la manière d'un roman feel-good, trouve les moyens de poursuivre sa légende personnelle (mais que vient faire ici "L'Alchimiste" de Paulo Coelho?). Cela, après une démarche simple et courageuse, tortueuse un peu quand même, invitant à réaménager un peu sa vie pour qu'elle ait davantage de goût...

Marie Vareille, Ma vie, mon ex et autres calamités, Paris, Charleston, 2019.

Le site de Marie Vareille, celui des éditions Charleston.

4 commentaires:

  1. Coucou, je suis ravie de voir que la lecture t'a plu ! D'autant plus que le feel-good ne m'a pas l'air d'être ton genre de prédilection (ou je me trompe) ? Pour ma part je suis un peu passée à côté de cette lecture, mais ta chronique permet de la voir d'un œil différent : je n'avais pas pensé à l'histoire comme un encouragement à sortir de sa zone de confort, je suis restée plus premier degré. D'ailleurs si tu veux poursuivre ta découverte de Marie Vareille (c'est son premier livre que tu lis ?) il y a La vie rêvée des chaussettes orphelines qui est pas mal et tout aussi bourré de philosophie. Bonne journée ^^

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  2. Coucou à toi, Mathilde! Merci pour ton commentaire. C'est vrai que le feel-good pur n'est pas forcément mon type de lecture prioritaire, mais c'est comme roman de chick-lit/romance que je me suis lancé dans "Ma vie, mon ex et autres calamités", sans bouder mon plaisir du tout. De Marie Vareille, j'avais déjà lu "Je peux très bien me passer de toi", que j'ai trouvé riche, à déguster absolument: une histoire d'amour dans le vignoble, ça ne pouvait que me plaire! Comme prochain titre de cette romancière, je pourrais en effet tenter "La vie rêvée des chaussettes orphelines" - du coup, merci beaucoup pour l'idée! :-) Je te souhaite une excellente fin de semaine.

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  3. Malgré tes éloges, je ne pense pas que ce genre puisse me convenir...

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    1. Chacun ses préférences! :-) Je te souhaite de belles découvertes.
      Et bonne fin de semaine à toi!

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