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samedi 6 mars 2021

"El Hadj", une symphonie pointilliste

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Mamadou Mahmoud N'Dongo – C'est devenu une marque de fabrique chez l'écrivain Mamadou Mahmoud N'Dongo: l'auteur affectionne les chapitres extrêmement courts. On le relève dès son deuxième roman, le rapide "El Hadj", qui revisite l'ambiance des récits de mafia dans une manière pointilliste.

Quelle est l'histoire, du reste? Elle peut paraître classique, c'est juste celle d'El Hadj qui, placé au cœur de l'histoire, aimerait prendre ses distances avec le milieu criminel de banlieue dont il est un élément. Pas si facile! L'auteur dessine autour de lui les pressions qui poussent malgré lui à rester, à accepter une dernière mission. 

El Hadj se retrouve en effet tendu entre le cœur et la raison: sa copine veut qu'il se range, le milieu veut le garder. Voilà une tension commune, déjà vue dans plus d'une tragédie classique, revisitée dans l'esprit des loyautés du monde des banlieues parisiennes où l'on est toujours aux limites de la légalité, et pas toujours du bon côté.

Quelle structure pour faire vivre El Hadj? Sacré conte de Noël: l'auteur choisit de faire commencer son roman par une belle nuit de la Nativité, où l'on se débarrasse du cadavre, dûment découpé en morceaux. Il est permis de considérer ce Noël comme une porte d'entrée ménagée par l'auteur à l'attention d'un de ses personnages, converti au christianisme et péniblement convaincu.

Ce christianisme fait écho à un contexte où l'ambiance dominante est quand même musulmane, ce que le lecteur devine rien qu'au titre de l'ouvrage et au nom de son personnage principal. Un nom qui pose son homme: "El Hadj", c'est celui qui a fait le pèlerinage à La Mecque. Cela lui permet de persister dans un contexte où les rapports de force sont la norme.

Mêlant christianisme et islam, ce substrat religieux entre en résonance de façon choquante avec la couverture des personnages du roman: le cinéma porno. Pointilliste pour éviter toute forme de voyeurisme, l'auteur en révèle quelques aspects tirés des coulisses, à l'instar de tel hardeur qui bande d'une façon inquiétante. "El Hadj" apparaît dès lors comme un roman qui place les grands monothéismes face à leurs hypocrisies.

Mais parlons musique: tout cela est porté par une écriture millimétrée. Il y a bien sûr la brièveté des chapitres, savamment calculée. Aucun mot n'y est de trop, et les passages d'un chapitre à l'autre entretiennent le suspens. Et chaque chapitre s'avère centré, à fond comme autant de zooms, sur un élément précis de l'action. Même dans les dialogues, il n'y a pas un mot de trop. Quant aux parties du roman, leur titre emprunte au champ lexical de la musique. 

Et pour dire la guerre des clans qui sous-tend "El Hadj", les mots sont ceux du monde des truands de la couronne qui entoure Paris. Cela, sans excès ni folklore: soucieux de recréer un univers en le rendant accessible à ceux qui n'en sont pas, l'auteur joue avec succès la carte de la discrétion et du verbe ciblé. Ainsi, de part et d'autre, on se comprend, tout au long d'une éclatante symphonie des banlieues en cinq mouvements et un prélude.

Mamadou Mahmoud N'Dongo, El Hadj, Paris, Le Serpent à plumes, 2008.


2 commentaires:

  1. quel beau billet qui donne très envie de découvrir ce roman (et l'auteur que je n'ai jamais lu !)

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  2. Oui, cela en vaut la peine - si tu aimes les chapitres courts qui vont droit au but. Un roman qui va vite! Je ne sais pas ce que devient l'auteur, cela dit.

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