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jeudi 14 janvier 2021

Catherine Le Goff, une robe pour traverser le vingtième siècle

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Catherine Le Goff – Une robe qui vit mille aventures sur tout un siècle avant de revenir au bercail, n'est-ce pas une odyssée? Tel est en tout cas le sous-titre, bien choisi, du roman "La robe" de Catherine Le Goff, paru dernièrement aux éditions Favre. Un roman dont le personnage principal est précisément une robe, fruit du génie de l'artisanat des années 1900.

On a envie de citer Lamartine en pensant à cette robe: "Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?", écrivit-il. Cette fameuse robe, modèle "Bonheur du soir", est présentée comme la quintessence d'une splendeur intemporelle. Mais surtout, passant de main en main, elle semble avoir le pouvoir magique d'impacter la vie de celles qui la portent et en sont les dépositaires – et l'auteure le suggère fortement, conférant subtilement une touche fantastique à son roman.

Ainsi le lecteur se trouve-t-il mis en présence des grands rendez-vous de l'histoire de l'Europe occidentale et des Etats-Unis, sur tout un vingtième siècle familier. Il y a les bruits de Verdun certes, mais aussi les camps de concentration (lequel? on ne nomme pas l'innommable!), le discours de Martin Luther King, la chute du mur de Berlin. Et une fois qu'on a compris ces jalons, les événements du 11-Septembre apparaissent attendus. À chaque fois, l'auteure fait ressortir tout ce que ces événements peuvent avoir de dramatique ou de romanesque – en conférant un rôle à cette fameuse robe.

Bien entendu, ce sont des femmes qui vont porter ce splendide vêtement. On pense entre autres à Sarah qui lui doit la vie dans un camp de la mort, à Oprah la chanteuse de jazz noire qui se sent plus à l'aise lorsqu'elle se produit en concert, à Jana la comédienne berlinoise qui, sans le savoir, a transféré d'est en ouest des informations planquées dans les coutures de cette robe par son espion de compagnon. Se connaîtront-elles un jour? L'auteure fait au lecteur le plaisir de mettre en scène une rencontre entre filles, du côté du Café de l'Alma à Paris (où l'on mange bien, soit dit en passant – je parle d'expérience, avis aux amateurs).

C'est précisément là que se joue une astuce troublante: alors que le parcours de la robe "Bonheur du soir" apparaît linéaire à ses débuts, il devient peu à peu de plus en plus trouble. Ce trouble culmine au moment où l'on ne sait plus si l'on a affaire à des copies ou au modèle historique. La réponse intervient en un ultime chapitre, qui consacre le fait que ce qui a rendu cette robe exceptionnelle, c'est l'amour. Un sentiment qui porte les hommes qui ont croisé le chemin des femmes qui ont revêtu cette robe et ont joué des rôles d'adjuvants... voire d'amoureux passionnés.

Une robe pour traverser un siècle: voilà un véhicule original! L'auteure s'en sert pour faire agir des personnages profondément humains, même et surtout dans l'adversité, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs côtés sombres comme leurs splendeurs. Résultat: alternant les ambiances, tantôt thriller, tantôt roman historique, tantôt romance, "La Robe" est un roman séduisant aux riches reflets de velours, à la fois dense à force de paragraphes longs et précis, et aéré au gré de ses dialogues.

Catherine Le Goff, La Robe, Lausanne/Paris, Favre, 2020.

Le site de Catherine Le Goff, celui des éditions Favre.

2 commentaires:

  1. Le titre ne me tentait pas du tout, mais finalement, pourquoi pas.

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    1. Une découverte et une bonne surprise pour moi!

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