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jeudi 22 octobre 2020

Wendall Utroi, quand la noirceur des bas-fonds londoniens résonne avec l'actualité

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Wendall Utroi – L'ambiance est au thriller historique: le lecteur de "La loi des hommes" de Wendall Utroi est invité à plonger dans le Londres du temps de Jack l'Eventreur, marqué par une misère noire qui a laissé émerger un secteur d'activité économique sordide et impitoyable: la prostitution. 

Citer Jack l'Eventreur, c'est fixer la période. Mais l'auteur suit la piste d'un autre scandale, celui de Cleveland Street, tout aussi véridique. Dans le rôle des victimes, il y a de jeunes garçons officiellement employés des Postes. Du côté des consommateurs, des hommes de la haute société, désireux d'assouvir des instincts homosexuels que la loi d'alors réprouve. Pour donner une idée du niveau, un seul nom: le Duc de Clarence. 

L'auteur construit dès lors son intrigue sur la base d'un personnage imaginaire, Wallace Hardwell, chargé d'enquêter dans le plus grand secret afin d'étouffer le scandale. Lui-même ne sait rien des tenants et des aboutissants de son enquête. En guise d'éléments à étudier, seuls lui sont livrés trois témoins, deux femmes et un homme – qui tous ont trouvé leur compte dans le monde de la prostitution, dans ce qu'il a de plus sordide, dans le cadre d'une forme de "Loi des hommes", justement.

C'est là qu'intervient le talent de l'écrivain. Le roman est en grande partie construit sur la base des interrogatoires que Wallace Hardwell effectue auprès de ces personnes dans les locaux de Scotland Yard. Le romancier reconstruit ces interrogatoires de façon crédible et fine, jusque dans leurs ambiances: c'est au rythme de ceux-ci que le lecteur découvre l'intrigue, peu à peu, parfois dans un désordre apparent. Omniprésents, ces dialogues font passer l'enquêteur pour un véritable maïeuticien, capable de faire naître la vérité en faisant parler ses interlocuteurs. 

Si Wallace Hardwell est un habile inspecteur, il est aussi marqué par une certaine naïveté. L'enquête va donc l'amener dans des méandres qui le révoltent à titre personnel. Il y a la tentation de la torture, à laquelle certains de ses collègues policiers cèdent plus facilement que lui. Mais il y a aussi, pour lui et pour le lecteur, la découverte d'un univers à la noirceur insoupçonnée. 

Le lecteur pourrait penser que tout cela est du passé, et qu'en France en tout cas, on a passé le temps des élevages de vierges, des certificats de virginité et des prostituées de même pas treize ans. Vraiment? Romancier historique, l'écrivain ne manque pas d'ancrer son récit dans l'actualité de notre début de vingt et unième siècle. Il le fait à travers le biais de Jacques, cantonnier en son village près de Dunkerque: dans le cadre de son activité d'entretien du cimetière, c'est lui qui a découvert le témoignage de Wallace Hardwell, qui a pris la forme d'un manuscrit enterré à ses côtés. 

Et en fin de roman, il évoque la révolte de Jacques face à une législation française qui ne fixe pas d'âge de majorité sexuelle et ce, depuis 1980. Si le dernier chapitre peut dès lors paraître didactique, il réussit à mettre en perspective une situation paradoxale, à l'exemple de l'affaire Sarah, de Pontoise, supposée consentante à 11 ans – c'était en 2018: les mineurs français de notre temps sont-ils mieux protégés contre les agressions sexuelles de toute sorte que leurs ancêtres anglais de l'époque qui a suivi le scandale de Cleveland Street? 

En une fresque sociale historique à la Charles Dickens qui se lit tout seule et raconte l'enquête d'une vie, l'écrivain Wendall Utroi fait donc coup double: il révèle un scandale un peu oublié qui s'est produit au dix-neuvième siècle du côté de Londres, et souligne de manière à la fois évidente et inattendue tout ce qu'il conserve d'actualité en ce début de vingt et unième siècle. 

Wendall Utroi, La loi des hommes, Genève, Slatkine & Cie, 2020.

Le site de Wendall Utroi, celui des éditions Slatkine.

Lu par Francis Richard, Ingrid Fasquelle.

6 commentaires:

  1. c'est un bon auteur, j'ai L'enjeu si tu veux je peux te l'envoyer à bientôt

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    1. Merci pour la proposition! Pour le moment, j'ai suffisamment de lectures... mais plus tard, ce sera avec plaisir. À bientôt, bonne fin de semaine!

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  2. Cela pourrait me plaire ! merci pour la découverte

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    1. Ah oui, ça se dévore et c'est intéressant en effet!

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  3. Réponses
    1. Oui, essaie! Ca se lit très facilement et il y a du bagage historique solide derrière.

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