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lundi 17 juin 2019

Auprès des Chiliens du Mozambique, à la rencontre de gens et de moments passionnés

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Constance Latourte – Qui l'eût cru? Le Mozambique recèle une assez importante diaspora de Chiliens. Ceux-ci ont fui le régime de Pinochet, instauré en 1973, et ont trouvé le moyen de valoriser leurs compétences dans ce pays africain qui, justement, venait d'obtenir son indépendance. C'est à la rencontre de ces hommes et de ces femmes que Constance Latourte est allée. Au début, c'était l'histoire d'un mémoire de maîtrise sur le Chili. Puis l'auteure a eu envie de rencontrer les gens concernés afin de tourner un documentaire, "Khanimambo Mozambique". Le roman "Avenida Vladimir Lénine, objectif Mozambique", qui vient de paraître aux éditions Intervalles, fait figure de making of de ce film.


Le titre, déjà, est tout un programme. "Avenida Vladimir Lénine" rappelle que c'est le marxisme qui a inspiré le premier système politique du Mozambique indépendant. Cela se révèle sur le territoire, notamment par le biais des noms de rues de Maputo, qui empruntent soit aux héros de l'indépendance, soit aux grands noms du communisme. Et puis il y a ce sous-titre: "Objectif Mozambique"... Celui-ci assume un double sens: l'auteure vise ce pays, se donne les moyens de s'y rendre; et c'est justement en jonglant avec les objectifs de sa caméra qu'elle va le cerner, avec ou sans les Chiliens.

Oui: les Chiliens expatriés au Mozambique sont le cœur de son travail. Elle les fait parler, et même si l'on n'est pas forcément de leur avis, on aime la description qu'elle fait de ces personnages mus par les convictions sincères de tenants du régime de Salvador Allende. Cela, d'autant plus que les mots choisis leur donnent chair: on pense à Teresa, cette femme fan de Che Guevara, à la faconde magnétique, qui finit par devenir le personnage clé du reportage même si elle décède subitement. D'autres personnages nuancent le propos enthousiaste et volontaire de Teresa, rappelant les difficultés du statut de personne déplacée, parfois dégoûtée par certains aspects du régime politique mis en place par le président Samora Machel.

En contrepoint, cette description est aussi marquée par les questions techniques propres au travail de documentariste: prendre un soin jaloux des images collectées, pas de bruits parasites, pas de reflets, bien maîtriser la caméra, construire son film – et accepter l'aide d'un colocataire. Et au fil des entretiens, l'auteure se laisse gagner par son thème et par le pays: "Mozambique es la escuela de la vida". C'est qu'au Mozambique et chez les Chiliens, on mélange espagnol et portugais: c'est le portugnol... qui colore tout le récit.

Le Mozambique s'apparente à une planète nouvelle, auquel la narratrice, parfois cabocharde, se heurte: il lui faut prendre l'habitude des taxis collectifs qu'on appelle chapas, parlementer en cas de tentative de corruption, et surtout avoir une rude patience face aux administrations qui la baladent de jour en jour. Et même sur un thème aussi point que celui qu'elle a choisi, la documentariste a de la concurrence! "Avenida Vladimir Lénine" fourmille de toutes ces contrariétés et de tous ces petits succès, que l'auteure livre sous la forme d'anecdotes qui autorisent le lecteur à sourire. Ce, d'autant plus qu'il n'y a pas que le film dans la vie: il y a aussi les relations avec les colocataires brésiliens, les amitiés, les sorties joyeuses.

Ces anecdotes, l'écrivaine les raconte sur un ton rapide qui suggère la pression relative que la documentariste se met: elle a six mois, pas plus, pour mettre ses images en boîte avant d'en faire un film. Suivant comment, c'est bien peu. Résultat: pour aller vite, l'auteure fait un usage généreux des phrases sans verbe. Celle-ci prend en outre une certaine distance avec le récit d'"Avenida Vladimir Lénine", en donnant à la narratrice de ce récit un prénom différent du sien: Constance devient Clémence. Dès lors, le premier roman de Constance Latourte prend l'allure d'une leçon de vie, avec ses difficultés inattendues et ses moments d'intense joie, vécue presque aussi loin que possible de l'Europe occidentale, à la rencontre de gens et de moments passionnés.

Constance Latourte, Avenida Vladimir Lénine, Paris, Intervalles, 2019.

Commenté par Mathilde Fontan.

2 commentaires:

  1. Une belle découverte que ce roman et une page d'histoire que je ne connaissais pas.

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    1. En effet, ça permet d'en apprendre davantage sur un fait méconnu! Et c'est une belle lecture, en plus.

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